Le « Flohr » est un texte singulier dans sa forme comme dans son contenu. Pièce majeure du fonds des manuscrits conservés au département de patrimoine de la médiathèque André Malraux, il apporte un témoignage rare sur la participation des Européens au processus par lequel les Insurgents ont conquis leur indépendance et bâti un État fondé sur de nouvelles valeurs ; il livre également des observations utiles pour nourrir l’histoire multiculturelle, multiraciale et multiethnique, centrée sur les échanges et les interactions entre les Européens, les Amérindiens et les Africains, cette « histoire atlantique » que quelques historiens – encore peu nombreux en France – écrivent depuis une vingtaine d’années1. Au-delà du témoignage sur un moment essentiel de l’histoire atlantique, le Flohr illustre aussi la complexité des écritures de voyage au XVIIIe siècle, la porosité des genres et l’ascendant que les formes les plus répandues ont exercé sur un jeune fusilier engagé au sein du Royal-Deux-Ponts lorsqu’il a entrepris de composer un récit du voyage de son régiment. Un travail en profondeur sur le texte était indispensable pour mettre en perspective le témoignage de Flohr, mesurer l’importance prise par la réécriture a posteriori. Loin d’annihiler la valeur de ce récit, ce travail collectif entend au contraire faciliter son accès et mettre en lumière sa complexité.

illustration p. 38-39

Strasbourg, Médiathèque André Malraux, ms f 15, p. 38-39.

Le manuscrit original a été transcrit et traduit en français par Albert Schreiber. Cette version du texte a été l’objet d’un travail collectif censé faciliter la lecture du texte composé par Flohr et souligner ses apports majeurs. Ces recherches liminaires ont été effectuées par quatre étudiant de M2. Grégoire Binois s’est essentiellement chargé des apports du Flohr à l’histoire des pratiques et des cultures de la guerre, Daniel Fischer à l’histoire de l’Amérique, Edern Hirstein à Flohr en particulier, à la reconstitution de son itinéraire, à l’étude précise de son texte, Thomas Tricot a effectué la recherche iconographique qui accompagne l’annotation du texte.

Cette version sera complétée dans les prochains mois par les contributions de Jean-Luc Eichenlaub sur l’analyse codicologique du manuscrit, de Mireille Pétry sur les voyages du manuscrit jusqu’aux collections du département du patrimoine de la médiathèque André Malraux et de Martial Guédron sur les dessins dont Flohr a enrichi son texte.

Isabelle Laboulais, Professeur d’histoire moderne, Université de Strasbourg – SAGE UMR 7363


1. Sur l’histoire atlantique, on lira le bilan historiographique organisé par Cécile Vidal, à l’occasion d’une journée d’études organisée à l’EHESS en 2006 : http://nuevomundo.revues.org/10233