Christian de Deux-Ponts (1752-1817)

Daniel Fisher


§    1

Christian de Deux-Ponts est le premier fils né de l’union morganatique de Christian IV, duc de Deux-Ponts et Marianne Camasse, une roturière strasbourgeoise qu’il a rencontrée alors qu’elle était danseuse à Mannheim et qui fut plus tard titrée comtesse de Forbach par Louis XV1. À la mort de son père, le 5 novembre 1775, faute d’autre descendance légitime, le duché revient au cousin de Christian, Charles II, père du futur roi Maximilien de Bavière. Bien que le mariage – alors jugé irrégulier – soit révélé par le frère de la veuve, après le décès de Christian IV, ses enfants illégitimes doivent quitter Deux-Ponts pour s’installer avec leur mère à Forbach. La possession de cette seigneurie les met à l’abri du besoin, mais l’hôtel parisien de Deux-Ponts doit être vendu.

§    2

Christian rejoint le régiment Royal-Deux-Ponts le 20 avril 1768 avec le grade de sous-lieutenant2, il est capitaine en 1772. Trois ans plus tard, le régiment devient propriété du nouveau duc de Deux-Ponts, mais Christian de Forbach en conserve le commandement et en devient lieutenant-colonel en 1777. Cette même année, un compromis est trouvé entre la comtesse de Forbach et le duc régnant concernant la succession du précédent duc. L’union de 1757 est reconnue comme légitime, la veuve reçoit des biens meubles et immeubles, des seigneuries et un revenu de 57 000 £ annuelles, ainsi qu’une dot de 28 000 £ pour sa fille. Dans le traité définitif signé le 10 avril 1777, Christian apparaît sous le nom de « de Deux-Ponts, comte de Forbach, colonel du régiment Royal-Deux-Ponts ». En 1780, il participe au corps expéditionnaire de Rochambeau qui prend part à la guerre d’Indépendance des États-Unis. En plus d’y faire son devoir, il aurait été sensibilisé à la cause américaine par l’écrivain Beaumarchais, rencontré au moment où ce dernier s’improvisait fournisseur d’armes aux insurgés. En Amérique, il fait partie, avec le général La Fayette, des personnalités consultées par George Washington (ils se rencontrent à Westpoint le 13 janvier 17813). Christian reste en Amérique après la bataille de Yorktown, alors que son frère reçoit l’ordre de ramener à Versailles le double de la capitulation anglaise et les drapeaux ennemis.

§    3

Les compagnies du régiment Royal-Deux-Ponts que Christian dirige établissent leur quartier général à Williamsburg. Il noue sur place une relation avec Miss Lucy Randolph, qui souhaite rentrer à ses côtés en France, mais à Versailles, sa mère trame avec la reine Marie-Antoinette une alliance matrimoniale plus ambitieuse : Christian de Deux-Ponts et sa mère échangent de nombreuses lettres grâce auxquelles elle le tient informé de ce qui se passe à la cour. Grâce à son influence, elle obtient du ministre de la Guerre l’autorisation de son retour en France dès la fin de la campagne. Le 7 décembre 1782, il embarque à Boston à bord du « Brave » en direction des Caraïbes, sous la protection de la flotte espagnole.

§    4

Pour récompenser son service, Louis XVI lui attribue le titre de « marquis de Deux-Ponts », et la fonction de maréchal de camp du régiment de Dragons Chabot-Jarnac qui change de nom pour s’appeler désormais « Dragons Deux-Ponts ». À partir de 1781, Christian figure cependant dans l’Almanach royal sous le titre de « comte de Deux-Ponts4 ». Alors que sa mère et la reine l’attendent à Versailles pour qu’il épouse la fille de la marquise de Béthune-Pologne, Adélaïde (1761-1823), Christian est fait prisonnier en mars 1783 au cours d’une promenade en bateau non loin de Caracas. Avec deux amis, il profite de la paix signée pour entreprendre une expédition, mais se fait attaquer par un navire anglais commandé par Horatio Nelson, le futur amiral victorieux à Trafalgar. Nelson, qui n’était pas informé de l’arrêt des combats et était persuadé d’avoir fait prisonnier le duc Maximilien Joseph de Deux-Ponts, le duc régnant et futur roi de Bavière, crée un incident diplomatique. Relâché dès le lendemain, Christian de Deux-Ponts quitte Puerto Cabello le 3 avril 1783.

§    5

Arrivé à Brest le 20 juin 1783, il parvient à Versailles pour épouser le 29 juillet, en présence du couple royal, le parti que sa mère, la duchesse de Polignac et la reine ont choisi pour lui. Adélaïde-Françoise de Béthune-Pologne et Christian de Deux-Ponts ont trois filles qui grandissent au château de Forbach. Une fois l’indépendance acquise, Christian de Deux-Ponts devient, grâce à George Washington, membre de la société de Cincinnati qui regroupe tous les officiers ayant combattu pour la liberté.


 Notes

1. Lehmann (Johann Georg), Vollständige Geschichte des Herzogthums Zweibrücken und seiner Fürsten, Munich, Christian Kaiser, 1867.
2. Richard Rush, ambassadeur des États-Unis à Paris en juin 1849 recopie les états de service des officiers français en Amérique lors de la guerre d’Indépendance et note « Second Lieutenant without pay ».
3. La correspondance de George Washington, réunie par Sparks (Jared), The Writings of George Washington, Being His Correspondence, Addresses, Messages, and Other Papers, Official and Private, Boston, American Stationer’s Company, 1837, vol. VII, p. 319, fait apparaître le comte de Deux-Ponts dans une lettre datée du 10 décembre 1780. Le général Washington se félicite d’avoir rencontré les officiers français mais n’a pas eu l’occasion de saluer le comte de Deux-Ponts parti en mission pour Philadelphie, ce qu’il regrette en espérant pouvoir le revoir bientôt.
4. Adalbert de Bavière dans son livre Der Herzog und die Tänzerin. Die merkwürdige Geschichte Christians IV. von Pfalz-Zweibrücken und seiner Familie, Neustadt, Pfälzische Verlaganstalt GmbH, 1966, évoque à la page 153, une mention du titre de « comte de Deux-Ponts » pour l’aîné, Christian, et de « chevalier de Deux-Ponts » pour le plus jeune, Guillaume, dans ce qu’il appelle l’ « Almanach militaire de France ».

 Citer cet article

Daniel Fisher, « Christian de Deux-Ponts (1752-1817) », dans Isabelle Laboulais (éd.), Flohr. Le voyage en Amérique, ARCHE UMR3400, 2020 (édition numérique : <https://estrades.huma-num.fr/flohr-expo/fr/article/fr-article-2-2.html>, consulté le 13-09-2024)