De mirabili divina dispensatione et ortu beati Gregorii papæ
Transcription d'après L6-1
De l’admirable grâce de Dieu et de la naissance de Grégoire, pape de Rome.
[1]
[folio 63r]
MAarcus
regnauvit
pru
dens
valde
qui
tāntum
vunicum
filium
⁊et
filiam
habebat
quos
m̄ultum
dilexit.
Cum
vero
ad
ſenectutem
ꝑperuve niſſet,
infirmitas
grauvius
eum
apprehendit.
qQui
cum
vidiſſet
ꝙquod
viuvere
nōn
poſſet,
fecit
vocari
omnes
ſatrapas
imperiji
⁊et
ait : «
Karissimi,
ſcire
debetis
ꝙquod
ho
die
ſpm̄iritum
d’eo
debeo
reddẻere.
nNōn
habeo
tāntum
periculum
in
anima
mea.
Ssicut
de
filia
mea
ꝙquod
eām
matrimonio
non
tradidi.
Et
ideo,
tu
fili
qui
es
heres
meus,
tibi
precipio
ſub
mea
benedic
tione
vut
eam
maritari
facias
tām
honorifice
ſicut
decet
et
medio
tempore
ſicut
te
ipſum
oīmni
die
euām
in
honore
habeas.. »
Hijis
dictis
vertit
ſe
ad
parietem
⁊et
ſpiritum
emiſit.
eDe
cuijus
morte
plānctus
magnus
factus
eſt
in
ciuvitate
et
ſatis
honoỉrifice
eum
ſepulture
tradiderunt.
[1]Marc régna avec beaucoup de sagesse. Il n’avait qu’un seul fils et qu’une seule fille, qu’il aimait tous deux beaucoup. Quand il atteignit l’âge de la vieillesse, une grave maladie s’abattit sur lui. Après s’être rendu compte qu’il ne pourrait pas vivre plus longtemps, il convoqua tous les gouverneurs de l’empire et dit :« Mes très chers amis, sachez que je dois rendre l’âme à Dieu aujourd’hui.Je n’ai pas plus grande inquiétude en mon âme que celle qui concerne ma fille puisque je ne l’ai pas donnée en mariage. Voilà pourquoi, mon fils, toi qui es mon héritier, je t’ordonne par mon âme de la marier conformément à son rang, comme il sied, et, en attendant, de veiller à son honneur tous les jours comme tu veilles au tien. » Après avoir prononcé ces paroles, il se tourna vers le mur et rendit l’âme. Sa mort provoqua de grandes lamentations dans la cité et on l’ensevelit avec de grands honneurs.
[25-2]
Poſt
hᵒoc
vero
filius
ſatis
prudenter
incepit
regnare,
ſororem
ſuam
īn
omni
honore
habere
quām
miro
modo
dilexit
in
tantum
ꝙquod
oīmni
die
licet
nobiles
ſe
cum
eſſent
in
mēnſa
in
vuna
cathedra
ex
oppoſito
eijus
ſedebat
et
ad
inuvicem
cōmmedebant
et
in
eadem
camera
in
lectis
ſeparatis
ijacebānt.
[25]Ensuite, son fils se mit à régner avec sagesse, à honorer sa sœur en toute chose et à l’aimer d’une curieuse manière et si fort que quotidiennement, bien que les nobles fussent à table avec lui, il s’asseyait sur une chaise en face d’elle et ils mangeaient ensemble et couchaient dans la même chambre, dans des lits séparés.
[35]
Accedit
vuna
nocte
ꝙquod
tēmptacio
grauvis
eum
accepit
ꝙquod
ei
videbatur
ſpiritūm
emittere
niſi
cum
ſorore
ſua
libidinem
ſuām
poſſꝫet
implere.
dDe
lecto
ſurrexit
et
ad
ſororēm
ſuam
perrexit
q̄uam
dormientem
inuvenit,
excitauvit
eam.
JIlla
ſic
excitata
ait. : «
O
domine,
ad
quid
veniſti
iſta
hora ? »
[folio 63v]
Qui
reſpōndit. : «
nNiſi
te
cūm
dormiām
amitto
vitām
meām. »
qQ̄ue
ait : «
aAbſit
a
me
tale
peccatūm
ꝑperpetrare.
aAd
memoriām
reducite
qᵒuomōdo
pat’er
noſter
te
onerauvit
in
ſua
bn̄enedictiōne
an̄te
mortēm
ſuām
ꝙquod
me
haberes
īn
omni
honore.
Si
tale
peccatūm
ꝑperpetrares
offēnſionēm
dei
nōn
euvaderes
nec
hoīminum
ꝯconfuſionēm. »
At
ille. : «
qQᵒuomōdocūmqꝫue
fiat,
voluntatēm
meām
adimplebo. »
dDormiuvit
cūm
ea.
Hoc
facto
ad
proprium
ſtatum
redijit.
Puella
vero
amare
fleuvit
et
conſolari
n
olebat.
JImperator
vero
qmuantum
potuit
ſolacium
ei
prebebat
et
miro
modo
magis
ac
magis
eam
dilexit.
[35]Une nuit, il arriva qu’une telle tentation s’emparât de lui qu’il se dit qu’il rendrait l’âme s’il ne parvenait pas à satisfaire son désir avec sa sœur. Il se leva de son lit, se dirigea vers sa sœur qu’il trouva endormie et la réveilla. Ainsi réveillée, elle s’écria : « Ô seigneur, pourquoi es-tu venu à cette heure-ci ? » Il répondit : « Si je ne couche pas avec toi, je perdrai la vie ! » Elle rétorqua : « Loin de moi l’idée de commettre un tel péché ! Souvenez-vous qu’avant sa mort notre père t’ordonna par son âme de toujours veiller à mon honneur. Si tu commettais un tel péché, tu n’échapperais ni à la condamnation de Dieu ni au mépris des hommes. » Et lui de dire : « Quoi qu’il arrive, j’accomplirai ma volonté ! » Ainsi, il coucha avec elle. Après cet acte, il retourna dans son lit. Cependant, la jeune fille pleura et était inconsolable. L’empereur lui apporta autant de réconfort qu’il put et se mit curieusement à l’aimer de plus en plus fort.
[60]
pPoſt
hoc
vero
circa
dimidium
ānnūm
illa
in
cathedra
ſedebat
in
mēnſa.
fFrater
eijus
intime
eam
aſpexit.
Eet
ait : «
kKariſſima,
quid
tibi
eſt. ?
Jam
facies
tua
eſt
mu
tata
in
colore
et
oculi
tui
in
ni
gredinem
mutantur.. »
At
illa : «
mMirum
non
eſt
quia
ſum
imp̄regnata
⁊et
per
conſequens
confuſa. »
JIlle
hoc
audiens
vultra
quam
credi
poteſt
cōntriſtatus
eſt,
fleuvit
amare
⁊et
ait. : «
pPereat
dies
in
qnua
natus
ſum !
qQuid
faciām,
ego
penitus
ignoro.. »
Que
ait : «
dDo mine,
fac
conſilium
meum.
Et
p᷒ost
factum
non
penitebis.
Nos
nōn
ſumus
primi
qui
grauviter
deūm
offenderunt.
Hic
prope
ēst
vun᷒us
miles
ſenex
cōnſiliarius
patris
noſtri.
dDe
cuijus
conſilio
pater
noſter
semper
eſt
operatus.
Vocetur
[folio 63v]
ille
et
ſub
ſigillo
confeſſionis
omnia
ei
dicemus.
iIlle
vero
vutile
conſilium
dabit
nob’is
et
quod
ſatiſfaciemus
deo
et
obprobrium
mundanum
euvadere
poterimus. . »
Ait
rex : «
mMichi
bene
placet,
ſed
primo
ſtudea
mus
deo
reconſiliari.. »
ꝯConfeſſi
ſūnt
ambo
corde
puro
cum
contrici
one
magna.
[60]Au bout de six mois, alors qu’elle était attablée sur une chaise, son frère l’observa attentivement et dit : « Ma très chère dame, qu’as-tu ? Le teint de ton visage a changé et tes yeux ont noirci. » Elle répondit : « Cela n’a rien d’étonnant, car je suis enceinte et par conséquent honteuse. » En entendant ces propos, son frère fut attristé au-delà de ce qui est imaginable. Il pleura amèrement et dit : « Maudit soit le jour où je suis né ! J’ignore totalement ce que je dois faire. » Elle dit : « Seigneur, suis mon conseil, tu ne le regretteras pas. Nous ne sommes pas les premiers à avoir gravement offensé Dieu. Près d’ici vit un vieux chevalier, un conseiller de notre père. Celui-ci a toujours agi selon son conseil. Fais-le venir et nous lui dirons tout sous le sceau de la confession. Il nous donnera un conseil utile, afin que nous nous rachetions auprès de Dieu et que nous échappions à l’opprobre de ce monde. » Le roi dit : « Cette proposition me plaît beaucoup. Efforçons-nous cependant d’abord de nous réconcilier avec Dieu. » Ils se confessèrent tous deux d’un cœur pur et avec une grande contrition.
[91]
Facta
confeſſione
miſerunt
pro
milite
et
totūm
priuvate
cum
fletu
retuliſſꝫent.
At
ille. : «
dDomine,
ex
quo
eſtis
deo
reconſiliati
audite
conſilium
meum
vut
confuſionem
mundanām
euvadere
poſſitis.
ꝓPro
peccatis
veſtris
ac
patris
veſtri
terrām
ſanctam
debetis
viſitare
et
tali
die
omnes
ſatrapas
regni
tui
in
p̄re ſencia
tua
conuvocare.
Deinde
hec
verba
per
ordinem
dicere. : ‹
kKarissimi,
terram
ſanctam
viſitare
volo.
nNullum
heredem
preter
ſororem
vunam
habeo
ſicut
ſcitis.
cCui
in
abſencia
mea
ſicut
corpori
meo
debetis
obedire.. ›
eEt
poſt
hoc
michi
coram
omnibꝯus
dicere : ‹
⁊Et
tibi,
kariſſime,
dico
ſub
pena
vite
tue
vut
ſororis
mee
cuſtodiam
habeas. ›
eEgo
vero
ma
nucapio
tam
priuvate
et
ſecute
cuſtodire
ꝙquod
nullus
tempore
pꝑartus
nec
an̄te
nec
poſt
de
caūsu
vrōestro
ſciet
nec
tm̄amen
cūm
vuxore
mea
que
oportꝫet
mīniſtrare
cūm
maīnibꝯus
ꝓproprijis. »
Ait
rex : «.
bBonūm
ēst
ꝯconſiliūm
,
oīmnia
abimplebo
que
michi
dicitis.. »
ſStatim
fecit
omnes
ſatrapas
conuvocari
[folio 64r]
Eet
omnia
a
principio
vuſqꝫue
ad
finem,
ſicut
ſuperius
ēst
ſcriptum,
conſilium
militis
adimpleuvit.
Cum
omnia
verba
conſūmmaſſꝫet,
vale
omnib᷒us
fecit,
ad
terram
sanctam
perrexit.
[91]Après la confession, ils envoyèrent chercher le chevalier et lui racontèrent tout secrètement et en pleurant. Il dit : « Seigneur, puisque vous vous êtes réconciliés avec Dieu, écoutez mon conseil afin d’échapper au déshonneur du monde. Pour vos péchés et ceux de votre père, vous devez vous rendre en Terre Sainte et convoquer devant vous tous les princes de votre royaume un jour donné. Puis, vous direz ces paroles : ‘Mes très chers seigneurs, j’ai décidé d’aller en Terre Sainte et je n’ai nul héritier hormis une sœur, comme vous le savez. En mon absence, vous devrez lui obéir comme à moi-même.’ Ensuite, en présence de tout le monde, vous me direz : ‘Très cher ami, je t’ordonne, sous peine de mort, de garder ma sœur.’ Quant à moi, je la garderai si secrètement et dans un endroit si sûr que personne, ni avant ni après l’accouchement, n’apprendra votre situation, hormis ma femme qui devra la servir personnellement. » Le roi répondit : « Voilà un bon conseil ! Je ferai tout ce que tu m’as dit. » Aussitôt, il rassembla tous les gouverneurs et fit tout du début à la fin conformément au conseil cité précédemment. Après avoir prononcé toutes ces paroles, il prit congé de tous et partit pour la Terre Sainte.
[125]
Miles
vero
dominām
ſororēm
regis
ad
castrūm
ſuum
duxit.
Cum
autem
vuxor
militis
hoc
vidiſſꝫet,
domīno
ſuo
occurrit
⁊et
ait. : «
Domine
miji
reuverende,
qualis
domina
iſta
ēst ? »
Qui
ait : «
dDomina
noſtra
ſoror
regis
eſt.
Jura
michi
per
deum
omnipotentēm
ſub
pena
vite
tue
vut
quicꝙ̄quam
tibi
dixero
omnia
habebis
in
ſecreto. ! »
At
illa. : «
dDn̄omine,
preſto
ſum.. »
Cum
autem
ijuraſſꝫet
ait
miles. : «
Domina
noſtra
per
dominūm
noſtrum
regem
eſt
inpregnata,
quare
tibi
precipio
vut
nulla
creatura
miniſtret
ei.,
excep̄ta
tua
perſona.,
Jita
vut
principium
medium
et
finis
omīnia
ſint
ſecreta.! »
At
illa. : «
dDomine,
oīmnia
iſta
fideliter
adimplebo.. »
Do mina
ad
cameram
priuvatam
ēst
introducta
⁊et
ſatis
ſplendide
ei
miniſtrabatur.
[125]Le chevalier, quant à lui, conduisit la reine, la sœur du roi, en son château. En les voyant, la femme du chevalier courut à sa rencontre et dit : « Mon très respectable seigneur, qui est cette dame ? » Il répondit : « C’est notre souveraine, la sœur du roi. Jure-moi, par Dieu tout-puissant et sous peine de perdre la vie, que tu garderas secret tout ce que je te dirai ! » Elle répondit : « Seigneur, j’agirai comme vous l’entendez. » Quand elle eut prêté serment, le chevalier dit : « Notre reine est enceinte de notre seigneur, le roi. C’est pourquoi je t’ordonne de veiller à ce que nulle autre personne que toi ne la serve afin que le début, le milieu et la fin demeurent entièrement secrets. » Elle répondit : « Seigneur, je me conformerai loyalement à tout cela. » Elle conduisit la dame dans une chambre qui lui était réservée et elle la servit avec les plus grands égards.
[147]
Cum
tēmpus
pariendi
eſſet
filium
formoſum
peperit.
Miles
cum
hoc
audiſſꝫet
ait : «
domine. : «
O
domina
kariſſima,
bonūm
ēst
ac
vutile
ſacerdotēm
vocari
vut
pueꝝrum
baptizet.. »
Que
ait : «
dDeo
meo
vouveo
ꝙquod
ille
qui
eſt
inter
fratrēm
⁊et
ſororem
genitus
per
me
baptiſmūm
non
habebit.. »
Ait
miles : «
ſScitis,
ḡrauve
peccatum
eſt
inter
vos
⁊et
dominum
[folio 63r]
incmeum
cōmmiſſum,
n
olite
propt’er
hoc
animām
pueri
occidere.! »
Ait
domina : «
vVotum
vouvi
qd’uod
firmit’er
tenebo
,
ſed
tibi
precipio
vut
dolium
vacuum
michi
apportes. »
Qui
ait : «
pPreſto
ſum.. »
dDolium
ſe
cum
ad
camerām
portari
fecit.
JIlla
vero
decenter
puerum
in
cunabulo
reclinauvit
⁊et
in
pꝑaruvis
tabellis
hec
q̄ue
ſequunt’ur
ſcripſit : «
kKariſſimi,
ſcire
debetis
ꝙquod
puer
iſte
non
eſt
baptizatus
quia
inter
fratrem
et
ſororēm
genit᷒us
ēst.
JIdeo
propter
dei
amorem
baptizetur
et
ſub
capite
eijus
pondus
theſauri
inuvenietis
cūm
quo
ipſum
nutrire
faciatis.,
ad
pedes
argēnti
pondus
cum
quo
studium
excerceat.. »
Cum
omīnia
iſta
erant
ſcripta
tabellas
in
cunabulo
ſub
latere
pueri
pone bat,
aurūm
ſub
capite.,
argēntum
ad
pedes.
dDeinde
cūm
pannis
ſe
ricis
ac
de
auratis
cunabulum
cooperuit.
Hoc
facto
militi
p̄re cepit
vut
cunabulūm
infra
doliūm
poneret
et
in
mari
proijeceret
vut
nataret
vubicumqꝫue
deus
diſpo neret.
Miles
vero
omnia
adimpleuvit.
[147]Quand le moment d’accoucher fut venu, elle mit au monde un beau garçon. Après l’avoir appris, le chevalier lui dit : « Ô ma très chère dame, il est bon et utile d’appeler un prêtre pour qu’il baptise ce garçon. » La dame répondit : « J’ai promis à mon Seigneur de ne pas faire baptiser l’enfant né d’un frère et d’une sœur. » Le chevalier répliqua : « Vous savez qu’un grave péché a été commis entre vous et mon seigneur. Ne tuez pas pour autant l’âme de cet enfant ! » La dame dit : « J’ai fait un vœu et je le respecterai scrupuleusement. Je t’ordonne cependant de m’apporter un tonneau vide. » Celui-ci répondit : « Il en sera fait ainsi. » Il fit amener un tonneau dans la chambre. La dame déposa le garçon, comme il convenait de le faire, dans un berceau et écrivit ce qui suit sur de petites tablettes : « Très chers amis, sachez que ce garçon n’est pas baptisé car il est né d’un frère et d’une sœur. Qu’il soit néanmoins baptisé pour l’amour de Dieu. Vous trouverez sous sa tête une livre d’or grâce à laquelle vous l’élèverez, et à ses pieds une livre d’argent afin qu’il étudie. » Après avoir écrit tout ce texte, elle posa les tablettes dans le berceau à côté de l’enfant, l’or sous sa tête, l’argent à ses pieds, puis couvrit le berceau de tissus de soie incrustés d’or. Une fois tout cela accompli, elle ordonna au chevalier de déposer le berceau dans le tonneau et de le jeter à la mer pour qu’il soit emporté là où Dieu le déciderait. Le chevalier se conforma à tout cela.
[187]
Cum
doliūm
proijectūm
in
mari
fuiſſet.,
miles
tam
diu
ijuxta
mare
ſtetit
ꝙ̄quam
diu
doliūm
natare
videret.
Hoc
facto
ad
dominam
redijit,
ſed
cum
ijuxta
caſtrum
ſuum
veniſſet.,
Nnūnci᷒us
regis
de
terra
ſancta
ei
obuviabat,
ait
ei : «
kKariſſime,
vunde
veīnis ? »
Qui
ait : «
dDe
terra
ſancta
venio. –
[folio 64v]
e>Et
quales
rumores
habetis. ? »
Et
ille : «
Dominus
meus
rex
mortuus
eſt.,
et
corpus
ſuum
ad
vunūm
de
castris
ſuis
eſt
ductum.. »
Miles
hoc
audiens
fleuvit
amare.
VUxor
eijus
superuveniens
cum
de
morte
imperatoris
audiſſꝫet
vultra
ꝙ̄quam
credi
poteſt
dolebat.
Miles
ſurrexit
et
ait
vuxori
ſue : «
N
olite
flere
ne
domina
noſtra
percipiat.
Nichil
ei
dicemus
quouſqꝫue
a
puerperio
ẻreſurgat. »
Miles
p᷒ost
hos
ſermones
ad
dominam
intrauvit.
VUxor
eijus
ſequabatur
eum.
Cum
domina
eos
reſpexiſſet
⁊et
eos
deſolatos
perpendit
ait : «
kKariſſimi,
ꝓpropter
quam
cauſam
eſtis
triſtes ? »
At
illi : «
dDomina
non
ſumus
triſtes.,
ſed
pocius
gaudēntes.,
quia
liberata
eſtis
a
grauvi
periculo
in
quo
fuiſtis. »
At
illa : «
iIta
non
eſt.
iIndicate
michi,
n
olite
aliquid
celare
a
me
ſiuve
bonum
ſiuve
malum.. »
Ait
miles : «
qQuidam
nūnctius
de
terra
ſanc
ta
venit,
de
domino
noſtro
rege
fratre
veſtro
qui
narrat
rumo res. –
Que
vocetur
nunctius ! »
qQui
cum
veniſſꝫet
ait
ei
domina : «
Quomodo
eſt
de
domino
meo. ? »
Qui
reſpondit. : «
dDominus
veſter
mortuus
eſt.,
et
eijus
corpus
de
terra
ſancta
tranſlatum
eſt
ad
caſtrum
ſuūm
⁊et
cum
patre
veſtro
ſepeliet’ur.. »
Domina
cum
hoc
audiſſet
ad
terram
cecidit.
Miles
vidēns
dolorem
domine
in
terrām
ijacuit.
VUxor
militis
cum
eis
ac
[folio 64v]
nunctius
Oomnes
iſti
per
magnum
ſpacium
ijacebānt
et
in
eis
pre
magno
dolore
non
est
vox
neqꝫue
ſenſus.
Domina
vero
poſt
magnum
ſpacium
ſurrexit,
crines
capitis
traxit.,
faciem
vuſqꝫue
ad
ſanguinis
effuſionem
dilatauvit
et
alta
voce
clamauvit. : «
Heu
michi,
pereat
dies
in
qua
con
cepta
eram.,
non
illa
non
nume
retur
in
qua
ſum
nata.
Quan tas
habeo
iniquitates
⁊et
c̄etera.
JIn
me
ſunt
cōmpleta.
Perijit
ſpes
mea,
fortitudo
mea,
frater
meus
vunicus,
dimidium
anime
mee.
qQ̄uod
faciām
ego
de
cetero
penitus
ig noro. »
Surrexit
miles
et
ait. : «
O
domina
kariſſima,
audite
me.
Si
ꝓpropter
dolorem
te
ipſam
neuveris ca.,
totum
regnum
peribit.
Tu
ſola
es
derelicta
et
ijure
hereditaỉrio
regnum
tibi
debet’ur.
Si
ergo
te
ipſam
occideỉris
regnum
ad
extraneos
cōnuvolabit.
Surgamus
ergo
et
ad
locūm
vubi
corpus
ijacet
accedamus
et
honorifice
eūm
ſepeliemus.
Deinde
ſtudeamus
qᵒuomodo
imperiūm
regere
debem᷒us. »
JIlla
vero
ex
verbis
militis
ꝯconfortata
ſurrexit.,
et
cūm
honeſta
comitinva
ad
caſtrum
fratris
ſui
acceſſit.
Cūm
autēm
intraſſet.,
corpus
regis
ſuper
feretrūm
inuvenit.
ſSuper
corpus
cecidit.
A
planta
pedis
vuſqꝫue
ad
verticem
oſculata
eſt
eum.
Milites
vidēntes
nimium
dolorem
in
ipſa
de
funere
dominam
extraxerunt.
[folio 65r]
et
in
cameram
introduxerunt
et
corpus
ſatis
honoỉrifice
ſepulture
tradider̄unt.
[187]Après avoir mis le tonneau à la mer, le chevalier resta au bord de l’eau jusqu’à ce qu’il vît le tonneau s’éloigner. Puis, il retourna auprès de sa dame. Cependant, en s’approchant de son château, il vit venir à sa rencontre un messager du roi qui rentrait de la Terre sainte. Il lui demanda : « Mon ami, d’où viens-tu ? » Celui-ci répondit : « Je viens de la Terre sainte. – Et quelles nouvelles ramènes-tu ? » Le messager dit : « Mon seigneur le roi est mort et son corps a été ramené dans l’un de ses châteaux. » En apprenant cette nouvelle, le chevalier pleura amèrement. Quand son épouse apprit, à son arrivée, la mort de l’empereur, elle eut du chagrin au-delà de ce qui est imaginable. Le chevalier se leva et dit à son épouse : « Ne pleure pas pour que notre dame ne remarque rien. Ne lui disons rien jusqu’à ce qu’elle se relève de son accouchement. » Après avoir prononcé ces propos, le chevalier entra dans la chambre de sa dame. Son épouse le suivit. En voyant leur tristesse, la dame demanda : « Mes très chers amis, pourquoi êtes-vous tristes ? » Ils répondirent : « Ma dame, nous ne sommes pas tristes, mais au contraire heureux que vous ayez échappé à un grand danger qui vous menaçait. » Elle rétorqua : « Il n’en est rien. Expliquez-moi et ne me cachez rien, que la nouvelle soit bonne ou mauvaise ! » Le chevalier dit : « Un messager rentrant de Terre sainte rapporte des nouvelles au sujet de notre seigneur le roi, votre frère. » Et elle d’ordonner : « Qu’on appelle le messager ! » Lorsque le messager se présenta, la dame lui dit : « Qu’en est-il de mon seigneur ? » Il répondit : « Votre seigneur est mort et son corps a été ramené de Terre sainte à l’un de ses châteaux pour y être enterré auprès de son père. » En apprenant cette nouvelle, la dame s’effondra par terre. Voyant le chagrin de sa dame, le chevalier s’effondra sur le sol également, de même que son épouse et le messager. Tous demeurèrent atterrés pendant longtemps, n’ayant plus ni voix ni entendement en raison de leur profond chagrin. Au bout d’un temps considérable, la dame se releva, s’arracha les cheveux, se lacéra le visage jusqu’au sang et s’écria d’une voix forte : « Malheur à moi, maudit soit le jour où je fus conçue et que celui de ma naissance disparaisse du calendrier ! Tant de malheurs se sont abattus sur moi, tant de choses se sont accomplies en moi ! J’ai perdu l’espoir, ma force, mon frère unique, la moitié de mon âme. J’ignore complètement ce que je ferai de l’autre moitié. » Le chevalier se leva et dit : « O ma très chère dame, écoute-moi. Si tu te donnes la mort à cause de ton chagrin, tout le royaume périclitera. Il ne reste que toi et le royaume te revient de droit par héritage. Si tu te tues, le royaume tombera entre des mains étrangères. Levons-nous donc et allons à l’endroit où repose le corps et enterrons-le avec honneur. Ensuite, nous réfléchirons à la façon de diriger le royaume. » Réconfortée par les paroles du chevalier, la dame se leva et se rendit avec une honorable compagnie au château de son frère. En découvrant à son arrivée le corps du roi sur la bière, elle se jeta sur lui. De la plante des pieds au sommet de la tête, elle l’embrassa. En voyant l’immense douleur que leur reine éprouvait à cause de ce chagrin, les chevaliers la firent sortir, la conduisirent dans une chambre et inhumèrent le corps avec de grands honneurs.
[273]
Poſt
hoc
q̄uidam
dux
bBurgundie
ſolēmpnes
nuncios
ad
eam
miſit
vut
ei
in
vuxorem
conſentiret.
JIlla
vero
ſtatim
reſpondit : «
qQuām
diu
vixero
virum
non
habebo.. »
Nūnciji
hec
audientes
voluntatem
eij᷒us
domino
nunciabant.
Dux
hec
audiens
indignatus
eſt
cōntra
eam
⁊et
ait. : «
Si
eam
habuiſſem
Rrex
illius
regni
fuiſſem,
ſed
ex
quo
me
vilipēndebat
de
regno
ſuo
parum
gaudebit.. »
eExcercitūm
collegit,
regnum
intrauvit,
cōmburebat
et
occidit
et
infinita
mala
perpetrabat
et
victoriam
in
omni
bello
optinuit.
Domīna
ad
q̄uandam
ciuvitatem
bene
muratam
fugam
pecijit.
JIn
qua
erat
caſtꝝrum
fortiſſimum
et
in
ea
per
m̄ultos
annos
permanſit.
[274]Puis, le duc de Bourgogne envoya à la reine des messagers afin de lui demander officiellement qu’elle consente à l’épouser. Or, elle rétorqua aussitôt : « Aussi longtemps que je vivrai, je n’épouserai aucun homme ! » Après avoir appris sa volonté, les messagers l’annoncèrent à leur maître. Après avoir entendu ces propos, le duc en fut indigné et dit : « Si je l’avais épousée, j’aurais été roi de ce pays, mais puisqu’elle a dédaigné mon offre, elle ne profitera pas longtemps de son pays. » Il rassembla une armée, envahit le pays, l’incendia, sema la mort, commit de nombreux crimes et remporta la victoire à chacune de ses batailles. La dame se réfugia dans une cité entourée d’une solide muraille et abritant un château-fort, et y demeura pendant de nombreuses années.
[294]
Jam
ad
puerum
proijectum
in
mari
redeamus.
dDolium
cūm
puero
ꝑper
multa
regna
trānſijit
quouſqꝫue
ijuxta
cenobium
monachorūm
ꝑperuvenit
⁊et
hoc
feria
ſexta.
Eodem
die
abbas
illius
monaſteriji
ad
lit᷒us
maris
perrexit
et
piſcatoribus
ſuis
ait. : «
kKariſſimi,
eſto(
te
ꝑparati
ad
piſcandum.. »
JIlli
vero
recia
ſua
parabant.
dDum
vero
prepararēnt
dolium
cūm
fluctibꝯus
maris
ad
terrām
peruvenit.
Ait
abbas
ſeruvis
ſuis. : «
Ecce
doliūm,
aꝑperiatis
et
videatis
q̄uod
ibi
lateat.. »
JIllei
vero
dolium
aperuerunt
⁊et
ecce
[folio 65r]
puer
paruvus
pānnis
precioſis
inuvolutus
abbatem
reſpexit
et
riſit.
Abbas
vero
totaliter
de
viſu
contriſtatus
ait. : «
O
deus
meus,
quid
ēst
hoc
ꝙquod
inuvenim᷒us ? »
pPuerum
in
cunabulo
proprijis
manibꝯus
eum
leuvauvit,
tabellas
ſub
latere
eij᷒us
inuvenit
q̄uas
mater
ibidem
poſuit,
aperuit
et
legit
ꝙquod
puer
ille
inter
fratrem
et
ſororem
eſſet
genitus
nec
baptizatus,
ſed
propter
dei
amorem
vut
ſacramentūm
baptiſmi
ei
daretur.,
Ddeinde
cum
auro
quod
ad
caput
eijus
inveniret’ur
nutriretur
et
ad
pedes
argentum
ꝑper
qd’uod
ſtudiūm
excerceret.
Abbas
cum
hec
legiſſet
et
cunabulūm
pannis
precioſis
ornatum
vi diſſet,
intellexit
ꝙquod
puer
de
nobili
ſanguine
eſſet,
ſtatim
eum
baptizari
fecit
et
ei
ꝓprop’riūm
nom̄en
impoſuit,
ſcilicet
gGregorius,
et
puerum
ad
nutriendūm
vuni
piſcatori
tradidit.,
Ddanſqꝫue
ei
pondus
quod
inuvenit.
[294]Revenons maintenant au garçon jeté à la mer. Le tonneau dans lequel il se trouvait traversa de nombreux pays jusqu’à ce qu’il parvînt près d’une abbaye de moines. Ce fut un samedi. Ce jour-là, l’abbé du monastère descendit au bord de la mer et dit aux pêcheurs : « Mes chers amis, préparez-vous à la pêche. » Et ceux-ci préparèrent leurs filets. Alors qu’ils étaient ainsi affairés, le tonneau parvint avec les flots jusqu’à la côte. L’abbé dit à ses serviteurs : « Voilà un tonneau. Ouvrez-le et regardez ce qu’il renferme ! » Quand ils ouvrirent le tonneau, le petit garçon emmitouflé de draps précieux regarda l’abbé et lui sourit. Profondément consterné par ce spectacle, l’abbé s’écria : « Ô mon Dieu, qu’est-ce que c’est ? Nous avons trouvé un garçon dans un berceau ! » Il le souleva de ses propres mains, découvrit sous le corps de l’enfant les tablettes que sa mère y avait déposées, les ouvrit et lut que le garçon avait été conçu par un frère et sa sœur et qu’il n’avait pas été baptisé, mais aussi qu’il fallait lui donner le sacrement du baptême pour l’amour de Dieu, puis l’élever avec l’or qui se trouvait sous sa tête et l’amener aux études avec l’argent qui était à ses pieds. Après avoir lu tout ce texte et vu que le berceau était orné de draps précieux, l’abbé comprit que l’enfant était de sang noble. Aussitôt, il le fit baptiser, lui donnant son propre nom, à savoir Grégoire, puis remit l’enfant à l’un des pêcheurs pour qu’il l’élève et lui donna la livre qu’il avait trouvée.
[335]
pPuer
vero
creſcebat
et
ab
omnibus
di
lectus
quouſqꝫue
ſeptem
annos
in
etate
compleuviſſet.
Abbas
ſtatim
ad
ſtudium
eum
ordīnauvit.
JIn
quo
miro
modo
ꝓprofecit,
omnes
monachi
cenobiji
tamꝙ̄quam
ſuum
monachum
dilexerūnt.
Puer
vero
infra
pauca
tēmpora
omnes
in
ſciencia
tranſcendit.
[335]Le garçon grandit et fut aimé de tous. Dès qu’il atteignit l’âge de sept ans, l’abbé l’envoya à l’école. Il y fit de tels progrès qu’il gagna la sympathie de tous les moines qui le considéraient comme l’un des leurs. En peu de temps, il dépassa tous les autres par son savoir.
[345]
Accedit
quodām
die
vut
cūm
filius
piſcatoris
cum
pila
quadam
pila
luderet
et
dictūm
piſcatorēm
[folio 65v]
patrem
ſuum
eſſe
credidit,
Aa
ca
ſu
filium
piſcatoris
cum
pila
leleſit.
JIlle
ſic
percuſſus
amare
fleuvit,
domi
perrexit.
et
matri
conqueſtus
eſt
dicens : «
gGregori᷒us
frater
meus
me
percuſſit.. »
Mater
hec
audiens
foras
exiuvit.
et
dure
arguebat
eum
dicens. : «
O
gGregori,
qua
audacia
filium
meum
percuſſiſti..
cum
tamen
q̄ualis
es
et
vunde
ignoramus. ? »
Ait
ille : «
O
mater
dulciſſima.,
nōnne
filius
tuus
ſum
ego. ?
qQuare
ta
lia
michi
improperas ? »
Que
ait : «
fFilius
meus
non
es
⁊et
vunde
ſis
ignoro.
Sed
vunum
ſcio
ꝙquod
in
quodam
dolio
inuventus
fuiſti.
Abbas
te
michi
ad
nutriendꝫum
dedit.
JIlle
cum
hec
audiſſꝫet
fleuvit
amare.
[345]Il arriva un jour que, alors que le fils de ce même pêcheur qu’il prenait pour son père jouait avec une balle, il blessa involontairement ce fils de pêcheur avec la balle. Après avoir reçu ce coup, le fils pleura amèrement, rentra chez lui et se plaignit à sa mère en disant : « Grégoire, mon frère, m’a frappé ! » En apprenant cela, la mère sortit et disputa Grégoire durement en lui disant : « Ah Grégoire, quelle audace tu as eue de frapper mon fils alors que nous ignorons qui tu es et d’où tu viens ! » Celui-ci rétorqua : « Ô ma très chère mère, ne suis-je donc pas ton fils ? Pourquoi me fais-tu de tels reproches ? » Elle répondit : « Tu n’es pas mon fils. J’ignore d’où tu viens et ne sais qu’une chose : tu as été trouvé dans un tonneau. L’abbé t’a confié à moi pour que je t’élève. »
[367]
Ad
abbatem
perrexit
et
ait : «
O
domine
mi,
diu
vo
biſcum
ſteti.
cCredebam
me
filiūm
piſcatoris
fuiſſe
cum
tamen
nōn
ſum.
Et
ideo
parēntes
meos
ignoro.
Si
placet
me
ad
miliciām
promouveas
Qquia
h’ic
amplius
non
manebo. »
Ait
abbas : «
O
fili,
n
oli
talia
cogitare !
Omnes
monachi
in
domo
exiſtentes
miro
modo
te
diligunt.,
in
tantum
ꝙquod
poſt
deceſſum
meum
in
abbatēm
te
promouvebunt. »
Ait
ille : «
dDomi ne,
ſn̄ine
dubio
non
expectabo
do
nec
ad
parentes
meos
peruvenero. »
Abbas
hec
audiens
ad
theſaurum
ſuum
acceſſit
et
tabel
las
quas
in
cunabulo
ſuo
inuvenit
ei
oſtendit
dicens : «
Nunc
fili,
[folio 65v]
lege
interius
⁊et
qualis
es
clare
inuvenies.. »
Cum
vero
legiſſit
ꝙquod
inter
fratrem
⁊et
ſororem
eſſꝫet
geni
tus,
ad
terram
cecidit
⁊et
ait : «
Heu
michi,
quales
parēntes
habeo. !
Ad
terram
ſanctam
pergām
et
pro
peccatis
parentūm
pungnabo
et
ibi
vitam
finiam.
Peto
ergo,
domine,
inſtaunter.,
vut
me
ad
miliciam
promouveas. »
qQd’uod
⁊et
fecit.
Cum
autēm
licenciām
de
receſſu
recepit
factus
eſt
planct᷒us
magnus
in
cenobio,
dolor
in
populo
et
in
circuito
lamentacio.
[367]En apprenant cela, il pleura amèrement, alla voir l’abbé et lui dit : « Ô mon maître, je suis resté longtemps auprès de vous. Je croyais être le fils du pêcheur, mais puisque je ne le suis point et ignore qui sont mes parents, alors, s’il te plaît, arme-moi chevalier, car je ne resterai pas plus longtemps ici ! » L’abbé dit : « Ô fils, n’envisage pas de tels projets ! Tous les moines vivant dans cette abbaye t’aiment d’un amour extraordinaire et tellement grand qu’ils t’éliront abbé après ma mort. » Grégoire répondit : « Maître, il est certain que je n’aurai point de cesse que je n’aie trouvé mes parents. » Après avoir entendu ces propos, l’abbé alla chercher le trésor et les tablettes qu’il avait trouvées dans le berceau et les lui montra en disant : « Mon fils, lis à présent ce qui est écrit sur ces tablettes et tu apprendras clairement qui tu es ! » Après avoir lu qu’il avait été engendré par un frère et sa sœur, Grégoire s’effondra sur le sol et dit : « Malheur à moi ! Quels parents ai-je donc ! J’irai en Terre sainte me battre pour les péchés de mes parents et finirai ma vie là-bas. Maître, je te demande donc instamment de m’armer chevalier. » Celui-ci accomplit ce souhait. Quand Grégoire reçut la permission de partir, il y eut de grandes lamentations dans l’abbaye, des pleurs parmi le peuple et du chagrin aux alentours.
[400]
Ad
mare
ſe
tranſtulit
et
cōnuveīnit
cum
nautis
vut
eum
ad
terram
ſanctam
ducerent.
Cūm
vero
nauvigaſſent
ventus
erat
eis
oppoſitus
⁊et
ſubito
ducti
ſūnt
ad
eāndēm
ciuvitatēm
in
q̄ua
erat
mater
eijus
īn
caſtro.
Qualis
eảraat
ciuvitas
aut
quod
regnūm
penitus
naute
ignorabant.
Cum
autem
ciuvitatēm
miles
intraſſꝫet.,
quidam
ciuvis
ei
occurrebat.
et
ait
ei. : «
dDomine,
qᵒuo
tenditis ? »
Et
ille : «
Hoſpicium
q̄uero. »
Ciuvis
vero
ad
domum
ſuam
cūm
tota
familia
ſua
duxit
et
ſplendide
eis
miniſtrauvit.
Cum
vero
in
m̄enſa
ſederent.,
dominus
gGregorius
hoſpiti
dixit. : «
dDomine,
q̄ualis
ēst
ciuvitas
illa
et
q̄uis
dn̄ominus
iſti᷒us
t’erre ? »
At
ille : «
Kariſſiēme,
vunūm
viꝝrum
valēntēm
imꝑperatorēm
habuim᷒us
q̄ui
mortu᷒us
ēst
in
t’erra
ſancta
q̄ui
nullūm
hẻeredēm
p̄reter
ſuām
ſororēm
poſt
ſe
reliq̄uit.
Qui dam
dux
eam
in
vuxorēm
pecijit,
que
nullo
mōdo
copulari
intēndit.
[folio 66r]
JIlle
ex
hoc
indignatus
totum
regnum
iſtud
excepta
ciuvitate
iſta
manu
forti
acq̄uiſiuvit.. »
Ait
miles. : «
nNūmquid
ſecretum
cordis
mei
potero
ſecure
ꝓpropalare. ? »
At
ille : «
dDomine,
eciam
cum
omni
ſecuritate. »
Qui : «
mMiles
ſum
ꝑper
gladium,
ſi
placet
die
craſtina
ad
palacium
pergas
et
cum
ſeneſcallo
ſermonem
de
me
facias
ꝙquod
ſi
ſallarium
michi
dedỉerit
ꝓpro
ijusticia
domine
iſto
anno
pugnabo.. »
Ait
ciuvis : «
nNon
dubito,
domine,
quin
de
aduventu
tuo
gaudebit
toto
corde.
Die
craſtina
ad
palacium
pergam
et
finem
huijus
rei
faciām. »
[400]Il descendit à la mer et convint avec les marins qu’ils le conduisent en Terre sainte. Mais alors qu’ils naviguaient, ils connurent un vent contraire et furent amenés subitement à la cité où vivait sa mère dans un château. Les marins ignoraient totalement quelle était cette cité et quel était ce pays. Quand le chevalier entra dans la cité, un bourgeois vint à sa rencontre et lui dit : « Seigneur, où allez-vous ? » Celui-ci répondit : « Je cherche une auberge. » Le bourgeois le conduisit à sa maison, où se trouvait toute sa famille, et le servit comme un prince. Quand ils furent attablés, le seigneur Grégoire dit à son hôte : « Seigneur, quelle est cette cité et qui est le seigneur de cette terre ? » L’hôte répondit : « Mon très cher ami, nous avions un empereur, un vaillant homme, mais il est mort en Terre sainte sans laisser derrière lui d’autre héritier que sa sœur. Un duc l’a demandée en mariage mais elle a refusé de l’épouser. Il s’en est offusqué et a conquis tout le pays avec une forte armée, hormis cette cité. » Le chevalier dit : « Puis-je confier le secret de mon cœur en toute sécurité ? » Il répondit : « Oui, seigneur, en toute sécurité. » Grégoire dit : « Je suis un chevalier. Si tu es d’accord, tu iras au palais demain et parleras de moi au sénéchal et tu diras que s’il me donne un solde, je me battrai pendant un an pour les droits de sa reine. » Le bourgeois dit : « Seigneur, je suis sûr qu’elle se réjouira de tout cœur de ton arrivée. Demain, j’irai au palais et accomplirai cette mission. »
[440]
Mane
ſurrexit,
ad
ſeneſcallūm
perrexit
et
de
aduventu
eijus
intimauvit.
JIlle
non
modicum
gaudens
pro
domīno
gGregorio
nuncium
deſtinauvit.
Cum
eum
vidiſſet
domine
eſt
preſentatus
et
multum
cōmmendatus.
Quem
cum
vidiſſet
intime
eum
reſpexit,
ſed
ꝙquod
erat
filius
eijus
penitus
ignorabat,
ipsa
eum
ſubmerſum
a
multis
annis
credidit.
Seneſcallus
īn
preſencia
domine
eum
ꝯconduxit
vut
per
integrum
annum
ei
miniſtraret.
Die
craſtina
ad
bellūm
ſe
parauvit,
adeſt
dux
in
campo
cum
excercitu
magno,
domin᷒us
gGregorius
bellum
aggreditur,
omēnes
penetrauvit
quouſqꝫue
ad
ducem
peruvenit
quem
in
eodēm
loco
occidit
et
caput
eijus
amputauvit
⁊et
victoriam
obtinuit.
[folio 66r]
Miles
vero
poſt
hec
de
die
in
diēm
proficiebat,
fama
eij᷒us
vundiqꝫue
circuibat
ſic
ꝙquod
antequām
ānnus
fuiſſet
completus
totum
regnum
a
manibus
inimicorūm
acquiſiuvit.
[440]Dès son lever le lendemain matin, il alla voir le sénéchal pour l’informer de l’arrivée du chevalier. Le sénéchal se réjouit beaucoup et envoya le messager chercher le seigneur Grégoire. Après l’avoir vu, il le présenta à sa dame en le recommandant avec insistance. À son arrivée, elle l’observa attentivement tout en ignorant complètement que c’était son fils. Elle le croyait noyé depuis de nombreuses années. En présence de sa reine, le sénéchal engagea le chevalier pour qu’il la serve pendant toute une année. Dès le lendemain, Grégoire se prépara à la guerre. Le duc était sur le champ de bataille avec une grande armée. Le seigneur Grégoire se lança à l’attaque et perça toutes les lignes jusqu’à ce qu’il parvînt au duc. Il le tua sur le champ en lui tranchant la tête et remporta la victoire. Après cet exploit, le chevalier vola de succès en succès, et sa gloire se répandit si vite qu’en moins d’une année il libéra tout le pays des mains des ennemis.
[467]
Deinde
ad
ſeneſcallum
venit
et
ait : «
kKariſſime,
vob’is
cōnſtat
in
quo
ſtatu
vos
inuveni
et
ad
quem
ſtatum
duxi.
Rogo
ergo,
trade
michi
ſallarium
q̄uia
intendo
pergere
ad
aliud
regnūm. »
Ait
ſeneſcallus. : «
Domine,
pl᷒us
meruiſti
q̄uam
ex
cōnuvencione
tenemur
tibi.
JIdeo
ad
dominām
noſtram
pergam
vut
de
ſtatu
ac
mercede
finem
faciam.. »
Cūm
aūtutem
ad
dominam
veniſſet
ait.
O
domina
kariſſima,
dicām
vobis
aliqua
verba
proficua,
ex
defectu
capitis
omīnia
mala
ſustinuim᷒us,
ideo
bonum
eſt
virum
accipere
per
quem
poterimus
de
cetero
ſecuri
eſſe.
Regnum
veſtrum
in
diuvicijis
habūndat.
Et
ideo
virum
ꝓpropter
diuvicias
recipere
non
conſulo.
VUnde
ignoro
vubi
melius
ad
honorem
veſtrum
⁊et
commodum
tocius
populi
poteritis
virum
accipere
ꝙquam
dominūm
gGregorium.. »
JIlla
vero
ſolebat
ſemper
reſpōndere : «
vVouveo
deo
ꝙquod
nūmꝙ̄quam
copulabor
viro.. »
Sed
ad
verbum
ſeneſcalli
diem
delibera cionis
ꝯconſtituit
ad
reſpondēndūm.
Adeſt
vero
dies,
cunctis
audiēntibꝯus
domina
dixit. : «
Ex
quo
dominus
gGregorius
valide
nos
⁊et
regnum
noſtrum
de
manibus
[folio 66v]
inimicorum
libeảravuit
eum
in
virum
accipiam. »
Hec
audientes
gauviſi
ſunt
valde.
Diem
nupciarum
conſtituit.
Ambo
cūm
magno
ijubilo
et
cōnſensu
tocius
imperiji
in
matrimonio
ſunt
conijuncti
filius
cum
matre
ꝓpropria.
Sed
quales
eſſent
vutriqꝫue
ignorabant.
Facta
eſt
inter
eos
dilectio
magna.
[467]Puis, il alla voir le sénéchal et dit : « Mon très cher ami, vous savez dans quelle situation je vous ai trouvés et vers quel état je vous ai menés. Je vous prie donc de me donner mon solde, car j’ai l’intention de me rendre dans un autre pays. » Le sénéchal répondit : « Seigneur, tu as mérité plus que ce que nous te devons selon notre accord. C’est pourquoi je vais aller voir notre dame pour te verser son salaire conformément à la situation. » En arrivant devant sa reine, il dit : « Ô ma très chère dame, je vais vous tenir des propos qui vous seront profitables. Par manque de chef, nous avons enduré bien des malheurs. C’est pourquoi il est bon que vous épousiez un homme qui puisse nous protéger contre d’autres malheurs. Votre pays regorge de richesses. C’est la raison pour laquelle je ne conseille pas de choisir un homme pour sa fortune. Par conséquent, j’ignore où vous pourriez trouver un homme plus conforme à votre honneur et plus profitable à votre peuple que le seigneur Grégoire. » Elle avait l’habitude de toujours répondre : « J’ai promis à Dieu de ne jamais épouser aucun homme. » Or, après les propos du sénéchal, elle fixa une assemblée où elle donnerait sa réponse. Le jour venu, la dame dit à tous ceux qui l’écoutaient : « Comme le seigneur Grégoire nous a vaillamment libérés, ainsi que notre royaume, des mains de nos ennemis, je l’épouserai. » Ils se réjouirent beaucoup d’entendre ces paroles. On fixa un jour pour les noces et c’est avec une grande liesse et l’accord de tout le royaume que fut uni, par les liens du mariage, le fils à sa propre mère. Cependant tous deux ignoraient l’existence de ce lien. Ils s’éprirent l’un de l’autre d’un grand amour.
[509]
Accidit
quadām
die.
ꝙquod
dominus
gGregorius
ad
venandum
perrexit.
Ait
quedām
ancilla
domine. : «
O
domina
ka riſſima,
nunquid
dominum
noſtrum
regem
in
aliquo
offen diſtis ? »
Que
ait. : «
iIn
nullo !
Credo
ꝙquod
in
mundo
non
inuveniuntur
duo
ad
inuvicem
ligati
in
ma
trimonio
qui
tāntum
ſe
diligūnt
mutuo
ſicut
dominus
⁊et
ego.
Sꝫcilicet
dic
michi,
kariſſima,
quare
ꝓpro tuliſti
talia
verba ? »
At
illa : «
Omni
die
quando
ponit’ur
menſa
dominus
noſter
rex
illam
camerām
priuvatam
intrat
letus,
ſed
cum
exit
lamentaciones
ac
fletus
emittit.
Deinde
faciem
lauvat.
Sed
quare
hoc
ſit
penitus
ignoro. »
Domina
cum
hoc
audiſſꝫet
cameram
illam
ſola
intrauvit,
de
foramine
in
foramen
intime
reſpexit
donec
ad
illud
foramen
venit
in
quo
tabelle
erant
quas
ſingulis
diebus
ſolebat
legere
quomodo
inter
fratrem
⁊et
ſoro
rem
genitus
eſſet.
tTunc
amare
fleuvit.
JIlle
enim
erant
tabelle
que
in
cunabulo
ſuo
erānt
inuvēnte.
[folio 66v]
Domina
vero
cum
tabellas
inuveniſſꝫet
ſtatim
noticiam
illa
rum
habebat.
Aperuit
ſcripturām,
legit
de
manu
ꝓpropria.
JIntra
ſe
cogitabat. : «
Nunꝙ̄quam
homo
iſte
ad
tabellas
veniſſꝫet
niſi
filius
meus
eſſet. ? »
iIncepit
alta
voce
cla
mare
ac
dicere. : «
Heu
michi,
ꝙquod
ſum
nata
ac
in
mundo
editata,
vutinam
in
die
cōncepcōionis
mee
mater
mea
fuiſſet
extincta ! »
Cūm
eſſꝫet
in
aula
clamor.
Audientes
milites
domine.
ad
dominām
cucurrerunt
cum
ceteris.
et
illam
ijacentem
in
terra
inuvenerunt.
et
per
longum
tempus
circa
eām
ſteterūnt
anteꝙ̄quam
verbum
ab
ea
habere
potuerūnt.
Deinde
os
aperuit
et
ait : «
Si
diligitis
vitam
meam
ſtatim
dominum
meum
querite.. »
[509]Un jour, il arriva que le seigneur Grégoire partît à la chasse. Une servante dit à la dame : « Ô ma très chère dame, avez-vous offensé notre maître le roi d’une quelconque manière ? » Elle répondit : « Nullement ! Je pense que nulle part au monde on ne trouve deux personnes unies par les liens du mariage qui s’aiment autant que mon seigneur et moi-même. Dis-moi donc, ma très chère amie, pourquoi as-tu proféré de tels propos ? » Elle expliqua : « Tous les jours, quand on dresse la table, notre seigneur le roi entre de bonne humeur dans cette chambre privée. Toutefois, quand il en ressort, il pousse des soupirs et pleure, puis se lave le visage. J’ignore complètement pourquoi il se comporte ainsi. » Après avoir appris cela, la dame entra seule dans la chambre et inspecta tous les coins et recoins jusqu’à ce qu’elle découvrît la cachette où se trouvaient les tablettes où Grégoire avait l’habitude de lire tous les jours qu’il était engendré par un frère et une sœur. Alors, la reine versa d’amères larmes, car c’étaient les tablettes qu’on avait trouvées dans le berceau. En voyant les tablettes, elle les reconnut aussitôt. Elle les ouvrit et lut le texte elle-même. Elle réfléchit en se disant : « Est-ce que cet homme aurait été en possession de ces tablettes s’il n’avait pas été mon fils ? » Elle s’écria à haute voix : « Malheur à moi d’être née et d’avoir grandi en ce monde ! J’aurais préféré que ma mère expire le jour de ma conception ! » Attirés par les cris dans la salle, les chevaliers de la reine et tous les autres accoururent et découvrirent leur souveraine gisant sur le sol. Ils restèrent un long moment autour d’elle avant de pouvoir obtenir d’elle une parole. Puis, elle ouvrit la bouche et dit : « Si vous tenez à me garder en vie, alors dépêchez-vous d’aller chercher mon seigneur. »
[558]
Milites
hec
audiēntes
ſtatim
equos
aſcenderūnt
et
ad
imperatorem
equitabant.
et
ei
dixerunt : «
dDomine,
regina
in
periculno
mortis
ijacet. »
JIlle
hoc
audiens
luſum
dimiſit
et
ad
caſtrum
perrexit.
Camerām
in
qua
domina
ijacuit
intrauvit.
Domina
cum
illum
vidiſſꝫet
ait : «
O
do mine,
omnes
exeant
preter
vos
vut
nullus
audiat
q̄ue
vobis
dixero.. »
Cum
autem
omnes
eſſent
expulſi
ait
dn̄omina. : «
O
kaỉrissiēme,
de
q̄ua
ꝓprogeīnie
es
tu
dicite
m̄ichi. ! »
qQ̄ui
ait : «
iIſta
eſt
mirabilis
q̄ueſtio.
ſScias
ſn̄ine
dubio
ꝙquod
de
longinq̄ua
terra
ſūm
ego. »
eE t
illa. : «
dDeo
vouveo
ꝙquod
niſi
dixeris
m̄ichi
vỉeritatēm
me
cito
moriēntēm
videb’is. »
[folio 67r]
Cui
ait : «
eEt
ego
dico
tibi
qd’uod
pauper
eram
nichil
habens
p̄ret’er
arma
mea
cum
quibus
vos
et
totum
regnum
a
ſeruvitute
liberauvi. »
At
illa : «
dDic
michi
modo
de
qua
terra
es
oriendus
et
qui
erant
parēntes
tui
et
niſi
michi
veritatem
dixeris
nūmꝙ̄quam
cibum
guſtabo.. »
Et
ille : «
vVobis
de
veritate
fatear.
Quidam
abbas
ab
infancia
me
nutriuvit
et
michi
ſepius
dixit
ꝙquod
in
quodam
dolio
me
inuvenit
infra
cunabulūm
et
ab
illo
tempore
vuſqꝫue
in
pn̄resens
me
nutriuvit
quouſqꝫue
in
ꝑpartes
iſtas
veni.. »
Domina
cūm
hec
audiſſet
tabellas
ei
oſtēndit
⁊et
ait : «
nNūmq̄uid
iſtas
tabellas
noſti. ? »
JIlle
cum
tabellas
vidiſſꝫet
ad
terram
cecidit.
JIlla
vero
ait : «
O
fili
dulciſſime,
tu
es
filius
meus
vunic᷒us,
tu
es
maritus
meus
et
domin᷒us
meus,
tu
es
filius
fratris
mei
⁊et
meus.
O
fili
dulciſſime,
in
dolio
cūm
iſtis
tabellis
poſui
te
poſtꝙ̄quam
peperi
te.
Heu
michi,
quare
de
vuluva
eduxiſti
me,
domīne
de᷒us
meus,
quia
tot
mala
ſunt
per
me
perpetrata. ? »
Fratrem
meum
propriūm
congnouvi
et
te
ex
me
genui,
vutinam
cōnſumpta
eſſem
ne
oculus
meus
videret,
fuiſſēm
quaſi
non
eſſem
de
vutero ! »
⁊Et
c̄etera.
Ad
murum
caput
percuſſit.
et
ait : «
O
domine
deus
meus,
ecce
filius
meus,
maritus
meus
⁊et
ſfilius
fratris
mei.. »
Ait
dominuſi
gGregorius : «
Credebam
me
euva ſiſſe
[folio 67r]
periculum
et
ijam
in
rethe
dyaboli
cecidi.
dDimitte
me,
dn̄omine,
vut
plangam
miſeriam
meam !
Ve
michi
ve. !
Ecce
mater
mea,
amica
mea,
vuxor
mea.
Ecce
ſic
dyabolus
concludit
me. »
Mater
cum
in
filio
tāntum
dolorem
vidiſſet
ait. : «
O
fili
dulciſſei
me,
ꝓpro
peccatis
noſtris
peregrinabo
toto
tempore
vite
mee.
Tu
vero
regnum
gubernabis.. »
Qui
ait : «
nNon
fiet
ita,
in
regno,
mater,
exſpectabis,
ego
vero
peregrīnabor
donec
a
deo
peccata
noſtra
ſint
dimiſſa.. »
[558]À ces mots, les chevaliers se mirent aussitôt en selle, chevauchèrent jusqu’à l’empereur et lui dirent : « Seigneur, la reine s’est effondrée et est en péril de mort. » En apprenant cela, Grégoire abandonna sa partie de chasse, retourna au château et pénétra dans la chambre où gisait la reine. En le voyant, elle dit : « Ô seigneur, que tout le monde sorte hormis vous-même pour que nul n’entende ce que je vous dirai ! » Après avoir expulsé tout le monde, la reine dit : « Ô mon très cher ami, dis-moi quelle est ton origine ! » Il répondit : « Voilà une étrange question ! Tu sais sans nul doute que je viens d’une terre lointaine. » Et elle d’insister : « Je jure par Dieu que, si tu ne me dis pas la vérité, tu me verras aussitôt mourir. » Il dit : « Et moi, je te dis que j’étais pauvre sans rien d’autre que mes armes quand j’ai libéré tout votre pays et vous-même de la servitude. » Elle rétorqua : « Dis-moi maintenant de quel pays tu es originaire et qui étaient tes parents. Si tu ne me dis pas la vérité je ne m’alimenterai plus. » Il répondit : « Je vais vous avouer la vérité. Un abbé m’a élevé depuis mon enfance et il m’a souvent répété m’avoir trouvé dans un berceau déposé dans un tonneau. Il m’a élevé depuis cette époque et jusqu’au moment où je suis arrivé dans cette région. » En apprenant cela, la reine lui montra les tablettes et dit : « Reconnais-tu ces tablettes ? » En voyant les tablettes, il s’effondra sur le sol. Elle dit : « Ô mon très tendre fils, tu es mon fils unique, tu es mon mari et mon seigneur. Tu es le fils de mon frère et le mien. Ô mon très tendre fils, je t’ai déposé dans le tonneau avec ces tablettes après t’avoir mis au monde. Malheur à moi ! Pourquoi m’as-tu fait sortir des entrailles de ma mère, Seigneur mon Dieu ? Car j’ai commis tant de péchés. J’ai connu mon propre frère charnellement et je t’ai conçu. J’aurais préféré disparaître pour afin que personne ne me voie. J’aurais préféré n’être jamais sortie des entrailles de ma mère ! » Elle cogna sa tête contre le mur et dit : « Ô Seigneur mon Dieu, voici mon fils, mon mari et le fils de mon frère ! » Le seigneur Grégoire dit : « Alors que je croyais avoir échappé au danger, me voilà pris dans les rets du diable. Laisse-moi partir, dame, pour que je pleure ma misère. Malheur à moi, malheur ! Voici ma mère, mon amie, mon épouse. Voici comment le diable m’a abusé ! » En voyant le profond chagrin de son fils, la mère lui dit : « Ô mon très tendre fils, afin d’expier nos péchés je partirai en pèlerinage pour le restant de mes jours tandis que tu gouverneras le pays. » Il dit : « Il n’en sera pas ainsi. Toi, ma mère, tu attendras dans ce pays pendant que moi, je serai en pèlerinage jusqu’à ce que Dieu nous pardonne nos péchés. »
[628]
De
nocte
ſurrexit,
lān ceam
ſuam
fregit,
veſtimentis
ſe
induit
peregrini.,
matri
vale
fecit
et
nuduis
pedibus
ambulauvit
quouſqꝫue
extra
regnum
ꝑperuvenit.
Deinde
ad
quandām
ciuvitatēm
in
noctis
obſcuritate
veīnit
ad
domum
vunius
piſcatoris
a
quo
hoſpicium
pro
dei
amore
petiuvit.
Piſcator
eūm
diligent’er
reſpexit
et
cum
membrorum
decenciam
⁊et
corporis
diſpoſicionem
vidiſſꝫet
Aait
ei. : «
Kariſſime,
verus
peregrinus
non
es,
hoc
bene
apparet
in
tuo
corpore.. »
At
ille : «
lLicet
vere
peregrinnus
nōn
fuero
hoſpicium
tamēn
dei
amore
nocte
iſta
peto. »
vUxor
piſcatoris
cum
eum
vidiſſꝫet
pietate
mota
preces
fundebat
pro
eo
vut
in troduceretur.
Cum
autēm
introductus
fuiſſet
retro
hoſtium
grabatūm
parari
ijuſſit.
pPiſcator
piſces
cum
aq̄ua
ei
dedit
⁊et
panēm
[folio 67v]
Eet
inter
cetera
ei
dixit : «
Tu
pe regrine,
ſi
ſanctitatem
cupis
inuveniẻre
loca
ſolitaria
deberes
ac cedere.. »
At
ille : «
dDomine,
libenter
hoc
attemptarem,
ſed
locūm
ta
lem
ignoro.. »
Qui
ait : «
dDie
craſti
na
me
cum
pergas
⁊et
ad
locum
ſolitarium
te
ducam. »
Et
ille : «
dDe᷒us
ſit
tibi
merces.. »
[628]Pendant la nuit, il se leva, brisa sa lance, enfila une tenue de pèlerin, prit congé de sa mère et marcha pieds nus jusqu’à ce qu’il eût quitté le pays. Ensuite, en pleine nuit, il arriva dans une cité à la maison d’un pêcheur à qui il demanda l’hospitalité pour l’amour de Dieu. Celui-ci l’observa attentivement, et après avoir remarqué la proportion harmonieuse de ses membres et la beauté de son corps, il lui dit : « Mon cher ami, tu n’es pas un vrai pèlerin. Cela se voit parfaitement à ton corps. » Grégoire répondit : « Bien qu’en vérité je ne sois pas un pèlerin, je demande néanmoins, pour l’amour de Dieu, un logis pour cette nuit. » En le voyant, la femme du pêcheur se prit de pitié pour lui et implora son mari de l’accueillir. Celui-ci le fit entrer et ordonna qu’une couche lui soit préparée derrière la porte. Le pêcheur lui offrit du poisson, de l’eau et du pain et lui dit entre autres : « Pèlerin, si tu aspires à la sainteté, tu devrais te rendre dans des lieux solitaires. » Grégoire lui répondit : « Seigneur, je tenterais volontiers de le faire, mais ne connais pas de tels lieux. » Le pêcheur rétorqua : « Demain, si tu me suis, je te conduirai en un lieu isolé. » Il répondit : « Que Dieu te récompense ! »
[660]
Mane
vero
piſ
cator
peregrinum
excitauvit.,
in
tantum
enim
feſtinabat
ꝙquod
tabellas
ſuas
paruvas
retro
hoſtium
dimiſit.
Piſcator
cum
peregrino
mare
intrauvit.,
per
xvi.
miliaria
in
mari
nauvigabant
donec
ad
quandam
rupem
peruvenit.,
habens
circa
pedes
eijus
cōmpedes
qui
ſn̄ine
clauve
non
poterant
aperiri.
Sed
poſtꝙ̄quam
compe
des
ſeraſſꝫet
clauves
in
mari
proijecit.
Deinde
domum
ẻredijit.
[660]Le lendemain matin, le pêcheur réveilla le pèlerin et celui-ci se hâta tant qu’il en oublia ses petites tablettes derrière la porte. Le pêcheur prit la mer avec le pèlerin et navigua pendant seize lieux jusqu’à ce qu’il parvînt à un rocher. Grégoire portait à ses pieds des chaînes qu’on ne pouvait pas ouvrir sans clef. Après les avoir fermées, le pêcheur jeta les clefs à la mer, puis rentra chez lui.
[672]
Peregrimnus
iſte
per
.
xviji.
annos
in
penitencia
remanſit.
Accidit
ꝙquod
papa
moritur.
JIpso
mortuo
venit
vox
desuper
de
celo
dicens : «
Querite
hominem
dei
⁊et
illum
in
vicarium
cōnſtituitis
nomine
gGregorium.
Electores
hoc
audientes
gauviſi
ſunt
valde.
Nunccios
per
diuverſas
partes
mundi
miſerunt
vut
eum
quererent.
Tandēm
in
domo
piſcatoris
hoſpitati
ſunt.
Cum
vero
in
cena
fuiſſent
piſcatori
dixerunt. : «
O
kariſſime,
multum
vexati
ſum᷒us
per
regna
et
caſtra
q̄uerendo
vunūm
ſanctum
virum
nomine
gGregorium
quem
in
ſummum
ponti
ficem
[folio 67v]
conſtituere
debemus
⁊et
nōn
inuvenimus. »
JIlle
vero
cum
de
peregrino
fuiſſet
recordatus,
ait : «
Jam
ſunt
.
xviji.
anni
ꝙquod
vunus
peregrinus
nomine
gGregorius
in
domo
iſta
eſt
hospitatus
q̄ueꝫm
ad
quandām
rupem
in
maỉri
duxi
et
ibidem
dimiſi.
Sed
ſcio
ꝙquod
a
multo
tempore
mortuus
eſt.. »
[673]Le pèlerin demeura dix-sept ans en pénitence. Il advint alors que le pape mourut. Après sa mort, une voix venant du ciel dit : « Cherchez un homme de Dieu nommé Grégoire et faites de lui mon vicaire ! » Après avoir entendu cette voix, les cardinaux se réjouirent beaucoup et envoyèrent des messagers de par le monde pour chercher Grégoire. Ils finirent par être accueillis dans la maison du pêcheur. Quand ils furent attablés, ils lui dirent : « Ô mon cher ami, nous avons enduré bien des tourments en parcourant des pays et nous rendant dans des châteaux à la recherche d’un saint homme nommé Grégoire. Nous devons l’élire pape mais nous ne le trouvons pas. » Le pêcheur se souvint du pèlerin et dit : « Il y a dix-sept ans, un pèlerin nommé Grégoire a séjourné dans cette maison. Je l’ai conduit à un rocher en mer et l’y ai laissé. Je suis toutefois certain qu’il est mort depuis longtemps. »
[699]
Accidit
ꝙquod
eadem
die
piſces
accepit
et
dum
vunum
piſcem
extraxiſſꝫet
clauves
quas
xviji.
ānnis
in
mare
proijecit.,
infra
piſcem
inuvenit.
Statim
alta
voce
clauvit ma. : «
O
kariſſimi,
videte
clauvisem
quēm
in
mari
proijeci.
vUt
ſpero
de
laboẻre
veſtro
nōn
eritis
fruſtrati. »
Nunctiji
hec
audientes
⁊et
vidēntes
gauviſi
ſunt
valde.
[699]Il se trouva que ce jour-là il avait attrapé des poissons et qu’en vidant l’un d’eux il retrouva à l’intérieur la clef qu’il avait jetée à la mer dix-sept ans plus tôt. Aussitôt, il s’écria d’une voix forte : « Ô mes chers amis, regardez la clef que j’avais jetée à la mer. Vous n’aurez pas, je l’espère, enduré toutes vos peines pour rien. » En apprenant cela et en voyant la clef, les messagers se réjouirent beaucoup.
[708]
Mane
vero
ſurrexerunt.,
piſcatorem
rogabant
vut
eos
ad
rupenm
duceret.
Quod
et
factum
eſt.
Cūm
autem
ibidem
veniſſent
⁊et
eum
vidiſſent
dixerunt. : «
O
gGregori
homo
dei,
ad
nos
perge
ex
ꝑprece
dei
omnipeotentis.,
ad
nos
aſcende
Qquia
dei
voluntas
eſt
vut
eij᷒us
vicarius
in
terris
cōnſtitutus
ſis. »
At
ille : «
qQd’uod
deo
placet
eijus
vōntas
lu
fiat ! »
JIllūm
extra
rupēm
duxerunt.
[707]Dès leur lever le lendemain matin, ils demandèrent au pêcheur de les conduire au rocher, ce qu’il fit. Une fois arrivés et en voyant Grégoire, ils lui dirent : « Ô Grégoire, homme de Dieu, viens ici au nom du Seigneur tout-puissant, descends jusqu’à nous car c’est la volonté de Dieu de faire de toi son représentant sur terre. » Il répondit : « Si Dieu le veut, que sa volonté soit faite ! »
[720]
Anteꝙ̄quam
ciuvitatem
intrauvit
omnes
cāmpane
ciuvitatis
ꝑper
ſe
pulſabānt.
Ciuves
hec
audiēntes
dix̄nt eru : «
Benedictus
altiſſim᷒us.,
ijām
venit
q̄ui
xp̄Christi
vicari᷒us
erit. »
Om̄mnes
ei
obuviam
proceſſerunt.
et
cum
magno
honore
eum
receperūnt
et
cCriſti
vicarium
cōnſtituerunt
[folio 68r]
Bbeatus
gGregorius
īn
uvicariatu
conſtitutus.
JIn
omnibus
ſe
laudabiliter
habebat.
Fama
eijus
per
orbem
volabat
⁊et
ꝙquod
tām
ſanctus
cCriſti
vicarius
conſtitutus
erat.
mMulti
ex
omnibus
ꝑpar tibus
mundi
veniebant
vut
eij᷒us
conſilium
et
auxilium
haberēnt.
[720]Ils le firent descendre du rocher, mais avant qu’il ne fît son entrée à Rome, toutes les cloches de la ville se mirent à sonner d’elles-mêmes. En les entendant, les habitants s’écrièrent : « Béni soit le Très-Haut ! Voilà le vicaire du Christ qui arrive ! » Ils coururent tous à sa rencontre, le reçurent avec de grands honneurs et le nommèrent vicaire du Christ. Après son élection au Saint-Siège, le bienheureux Grégoire se comporta toujours de manière louable. Sa gloire se répandit à travers le monde et, puisqu’un si saint homme avait été fait pape, beaucoup de gens venaient du monde entier pour recueillir son conseil et obtenir son aide.
[736]
Audiēns
vero
mater
eijus
ꝙquod
tām
ſanct᷒us
homo
cCriſti
vicarius
factus
eſſꝫet
intra
ſe
cogitabat : «
vUbi
ijam
melius
potero
accedere
ꝙ̄quam
ad
iſtum
ſanctum
virum
et
vitam
meam
ei
intimare.. »
Verūmptamen
ꝙquod
eſſet
filius
eijus
⁊et
maritus
penitus
ignorabat.
Ad
rRomām
perrexit
et
cCriſti
vicario
eſt
confeſſa.
aAnte
confeſſionem
nullus
alium
cognouvit.
Sed
papa
cum
confeſſionēm
matris
audiſſet
noticiam
eijus
ꝑper
oīmnia
habebat
⁊et
ait. : «
O
mater
dulciſſima,
vuxor
et
amica,
dyabolus
credebat
nos
ducere
ad
inferna
et
nos
euvaſimus
dei
gracia. »
JIlla
hec
audiens
ad
pedes
eij᷒us
cecidit
⁊et
pre
gaudio
amare
fleuvit.
Papa
vero
de
terra
eam
leuvauvit
et
in
eijus
nomine
monaſterium
conſtituit
in
quo
eām
abbatiſſam
fecit
⁊et
infra
pauca
tēmꝑpora
ambo
aīnimas
deo
reddider̄unt.
[763]En apprenant qu’un si saint homme avait été élu vicaire du Christ, sa mère se dit : « À qui pourrais-je mieux m’adresser qu’à ce saint homme pour lui dévoiler ma vie ? » Elle ignorait toutefois complètement que c’était son fils et son mari. Elle se rendit à Rome et se confessa au vicaire du Christ. Avant la confession, aucun des deux ne reconnut l’autre. Mais après avoir écouté la confession de sa mère, le pape la reconnut en tout point et dit : « Ô ma très tendre mère, épouse et amie ! Le diable croyait nous emporter en enfer, mais grâce à Dieu nous lui avons échappé. » À ces mots, elle se jeta à ses pieds et de joie pleura abondamment. Le pape la releva, fonda un monastère en son nom et l’y nomma abbesse. Peu de temps après, ils rendirent tous deux leur âme à Dieu.
[760]
¶
Moralizacio
KAariſſimi,
iſte
Jimperator
eſt
dominus
noſter
iJeſus
cCriſtus
qui
recommendavit
ſororēm
ſuam,
id
eſt
animam,
fratri,
id
ēst
homini,
qui
homines
cCriſti
fideles
[folio 68r]
ſumus
eijus
fratres
et
aīnima
eſt
ſoror
et
dei
filia,
ſed
in
q̄uantūm
anima
homini
cōnijungitur
caro
dicitur
proprie
eijus
ſoror.
JIn
principio
caro
habet
animam
in
omni
honore
dum
contra
eām
nichil
quod
diſpliceat
deo
agit,
tenetur
eam
ex
p̄recepto
diuvino
nobili
viro
maritari,
ſcilicꝫet
deo,
per
opera
miſeỉricordie.
JIſti
duo,
corpus
et
aninma,
mutuo
ſe
diligūnt
in
tantum
ꝙquod
in
vuna
camera
ijacent,
hoc
eſt
in
vuno
corde,
in
vuna
moente,
quam
diu
dei
p̄recepta
perpetrant
et
in
vuna
ſcu
tella
ꝯcommedunt.,
Hhoc
eſt
in
vuna
voluntate
ſe
diſponunt
quāndo
baptiſmum
receperunt
⁊et
pompius
dyaboli
renūnciabānt.
Sꝫed
heu
et
ꝓproch
dolor,
homo
sepe
ex
inſtigacione
dyaboli.
ſororem
violat,
hoc
eſt
animām,
cūm
vicijis
et
cōncupiſcencijis
īncorrumpit
ita
ꝙquod
impregnatur
⁊et
parit
filium.
Per
filiūm
iſtum
intelligere
de
bemus
totum
genus
humanūm
qui
a
primo
parēnte
ꝓprocedebat.
Adam
enim
erat
filius
dei
primogenitus
cui
debebat’ur
regnūm
iſtius
mundi
ijuxta
illud
pſallmiste. : ‹
Omnia
ſubijeciſti
ſub
pedibus
eijus ›
⁊et
c̄etera.
Sed
iſte
in
mandatis
habuit
filiam
dei
ſororem
eij᷒us,
ſcilicet
animam,
īn
omni
honoẻre
habere.
JIlle
vero
per
dyabolūm
deceptus
corrupit
eam
qn̄uando
de
pomo
commedit.
VUnde
filius,
ſcilicet
totum
genus
humanūm,
[folio 68v]
ab
eo
proceſſit
⁊et
in
dolio
ex
cōnſenſu
militis,
ſcꝫilicet
ſpiritus
ſancti,
miſſus,
id
eſt
īn
miſeriam
huijus
mundi
maris,
ſcilicet
proiject᷒us
vubi
vnactabat
per
multa
tempo ra.
Primus
pater
mortuus
eảrat
et
ad
infernum
descendit.,
de
relicta
eſt
anima
nuda
Eet
ideo
dux,
ſcꝫilicet
dyabolus,
euam
inuvaſit
quouſqꝫue
filius
dei
venit,
ſcꝫilicet
deus
et
homo,
⁊et
deliberauvit
non
ſo
lum
matrem,
Ssed
et
totūm
regnum
et
genus
humanum.,
per
ſuam
paſſionem.,
quia
contra
ducem,
id
eſt
dyabolum,
punguvit
na
et
victoriam
obtinuit
⁊et
terram
amiſſam,
ſcꝫilicet
paradiſum,
nobis
recuperauvit.
pPoſt
hec
matrēm
tsuām,
id
eſt
ſanctam
ecclesiam,
deſponſauvit.,
per
quam
tabelle
erant
ſcripte,
id
eſt
decēm
precep
ta
q̄ue
mMoyſes
a
deo
recepit.
JIlla
ſingulis
diebꝯus
debemus
videre
⁊et
in
cordibꝯus
noſtris
imprimere
et
ſacram
ſcripturam
reſpicere
legere
et
intelligere
vubi
inuveniem᷒us
quomodo
iſte
ſanctus
iJob
terre
loquebatur
dicens. : ‹
Pater
meus
es
tu,
ſoror
mea »
verꝯus mib.
Si
iſtud
intime
ciogitare
volumus
materiam
flendi
ha
bemus
ac
Sſed
querendum
eſt,
Qqui
traxit
nos
de
dolio
⁊et
c̄etera. ?
.
cCerte
abbas.
dDeus
ipſe
per
filium
ſuum
vunigenitum
cottidie
nos
trahit
per
ſuam
graciam
de
mi
ſeria
peccati
et
dat
nos
ad
nu
triendum
piſcatori.
Piscator
[folio 68v]
iſte
poteſt
dici
quilibꝫet
prelatus
qui
habet
peccatorem
in
bonis
operibꝯus
nutrire
et
eum
ad
xp̄Christi
miliciam
promouvere.
tTunc
po
terit
inter
monachos.,
ſcilicet
ſanctos
viros,
ꝯconuversari
et
ſanctus
eſſe
Jjuxta
p̄ssalmistam. : ‹
Cum
ſanc
tus
eris ›
⁊et
c̄etera.,
Ddeinde
per
nauvēm
ecclesie,
ſcilicet
ſecundum
eijus
p̄recepta,
tranſire
et
viriliter
pūngnare
contra
dyabolum
et
per
cōnſequens
ad
magnas
diuvicias
peruvenire.
Diuvicie
iſte
ſunt
virtutes
per
quas
anima
ditatur
que
recipitur
in
domo
ciuvis,
ſcilicet
prelati.
Et
prelatus
eum
ducit
ad
ſeneſcallum,
id
eſt
ad
diſcretum
confeſſorem,
per
quēm
dirigitur
ad
viam
ſalutis.
Et
quare. ?
qQuia
pungnat
pro
do mina,
id
eſt
anima,
Sſed
ſepe
cōntingit
ꝙquod
homo
recidiuvat.,
per
git
ad
venandum,
ſcilicet
muundi
vanitatem.
Domina,
ſcilicet
anima,
dolet
quando
de
tabellis
ſcriptis,
id
eſt
de
de
trangreſſionibꝯus
perpetratis,
recordatur.
Et
ideo
milites,
ſcilicet
omnes
ſenſus,
tenentur
hominem
a
ludo
mundi
reuvocare,
ymmo
deus
ipſum
vocat
dicens : ‹
rReuvertere,
reuvertere ›
⁊et
c̄etera.
Sed
quando
homo
videt
animam
per
peccatum
ꝓproſtratam
debet
ſe
ad
terrām
proijicere,
hhoc
eſt
ad
omnēm
humi
litatem
ſe
parare.,
Vveſtimenta,
id
est
vicia,
deponẻere
et
lanceām
male
vite
ꝑper
ꝯconfeſſionem
frangere
[folio 69r]
Eet
ſic
peregrinando
in
bonis
v’irtutibus
pergere
donec
ad
domūm
piſcatoris,
ſcilicet
prelati,
peruveniat.
De
cuijus
cōnſilio
ad
rupēm
penitēncie
includi
debes
quouſqꝫue
nunciji,
id
ēst
viri
eccleſiaſtici,
cūm
penitencia
fuerit
cōnſūmmata
ducent
te
ad
rRomanam
ciuvitatem.
Ciuvitas
iſta
eſt
ſancta
mater
eccleſia
in
qua
debemus
ꝑperma nere,
hoc
eſt
eijus
precepta
ad implere,
et
campane
pulſabūnt’ur,
scilicet
per
oꝑpera
miſericordie,
ꝑper
penitēnciām
recuperata
de
te
lau
dabile
teſtimonium
perhibent
et
ciuves
gaudebūnt,
id
eſt
angeli
dei,
de
peccatore
ſicut
ſcriptum
ēst
lLuc’e
.
xv.. : ‹
gGaudium
eſt
angelis
dei
ſuper
vuno
peccatoẻre
penitēnciām
agente.. ›
Et
tūnc
poteris
dominām,
id
eſt
animam,
ad
monaſteriūm
regni
celeſtis
perducere.
Ad
qd’uod
dominus
perducat
nos.
[760]Mes très chers frères, cet empereur est notre Seigneur Jésus-Christ qui recommanda sa sœur à l’homme, c’est-à-dire l’âme à son frère, c’est-à-dire l’homme. En tant qu’humains fidèles au Christ, nous sommes ses frères et l’âme est sa sœur et fille de Dieu, mais quand l’âme s’unit à un être humain, on appelle la chair sa sœur. Au commencement, la chair tenait l’âme en honneur et ne faisait rien contre elle qui déplût à Dieu. Le frère était tenu par le commandement divin de marier sa sœur à un noble, c’est-à-dire à Dieu, par les œuvres de la miséricorde. Ces deux personnes, le corps et l’âme, s’aimaient mutuellement à tel point qu’elles couchaient dans la même chambre, c’est-à-dire dans le même cœur et le même esprit, aussi longtemps qu’elles respectaient les commandements de Dieu. Elles mangeaient aussi dans le même plat, c’est-à-dire qu’elles se conformaient à une seule et même volonté quand elles reçurent le baptême et renoncèrent aux tentations du diable. Mais hélas ! Souvent, l’homme viole sa sœur à l’instigation du diable, c’est-à-dire qu’il corrompt l’âme avec ses vices et ses désirs de sorte qu’elle tombe enceinte et accouche d’un fils. Par ce fils, nous devons comprendre tout le genre humain qui descend du premier homme. Car Adam était le fils aîné de Dieu et le règne de ce monde lui revenait selon ces paroles du psalmiste : « Tu as tout mis sous ses pieds », etc. Mais celui-ci s’était vu confier la fille de Dieu, sa sœur, c’est-à-dire qu’il tenait l’âme en honneur. Cependant, trompé par le diable, il la corrompit de sorte qu’elle mangea le fruit. Par conséquent, son fils, c’est-à-dire tout le genre humain, s’éloigna de lui et fut placé dans un tonneau avec l’accord du chevalier, c’est-à-dire du Saint-Esprit, cela signifie qu’il fut jeté dans la misère de la mer de ce monde où il dériva longtemps. Après sa mort, le premier père descendit en enfer. L’âme fut abandonnée nue. C’est pourquoi le duc, c’est-à-dire le diable, l’agressa jusqu’à ce que le fils de Dieu, c’est-à-dire Dieu et l’homme, vienne libérer non seulement la mère, mais tout le pays et le genre humain par sa Passion. Car il combattit le duc, c’est-à-dire le diable, remporta la victoire et nous restitua le pays perdu, c’est-à-dire le paradis. Ensuite, il épousa sa mère, c’est-à-dire la sainte Église, par qui avait été écrites les tablettes, c’est-à-dire les dix commandements que Moïse a reçus de Dieu. Nous devons les observer tous les jours, les graver dans nos cœurs et regarder, lire et comprendre la Sainte Écriture où nous lisons que saint Job disait « tu es mon père » à la terre et « vous êtes mes sœurs » aux vers. Si nous décidons de réfléchir attentivement à ce propos, nous avons bien matière à pleurer. Mais il faut chercher à savoir qui nous a tirés du tonneau, etc. C’est en effet l’abbé. C’est Dieu lui-même qui par son fils unique nous tire quotidiennement de la misère du péché par sa grâce et qui nous confie au pêcheur pour qu’il nous élève. Ce pêcheur peut être considéré comme n’importe quel prélat devant élever le pécheur dans les bonnes œuvres et le pousser vers l’armée du Christ. Alors celui-ci pourra vivre parmi les moines, c’est-à-dire les hommes bons, et être bon selon le psalmiste : « Avec celui qui est bon tu te montres bon », etc. ; puis effectuer sa traversée grâce au navire de l’Église, c’est-à-dire en respectant ses préceptes, et se battre virilement contre le diable et partant parvenir à de précieux trésors. Ses trésors sont les vertus par lesquelles est enrichie l’âme qui est reçue dans la maison d’un habitant d’une ville, c’est-à-dire un prélat. Et le prélat le conduit au sénéchal, c’est-à-dire au dis-ret confesseur par lequel il est mené vers le chemin du salut. Et pourquoi ? Parce qu’il combat pour la reine, c’est-à-dire l’âme. Mais il arrive souvent que l’homme récidive, c’est-à-dire qu’il part à la chasse des vanités du monde. La reine, c’est-à-dire l’âme, souffre quand elle se souvient du texte des tablettes, c’est-à-dire des transgressions perpétrées. Pour cette raison, les chevaliers, c’est-à-dire tous les sens, sont tenus d’amener l’homme à renoncer au jeu du monde. Et Dieu lui-même l’appelle en disant : « Reviens, reviens ! », etc. Quand toutefois l’homme voit l’âme prostrée à cause du péché, il doit se jeter à terre, c’est-à-dire se vêtir très humblement, se dépouiller de ses vêtements, c’est-à-dire de ses vices, briser par la confession la lance de la mauvaise vie et, en voyageant ainsi avec les bonnes vertus, parvenir jusqu’à la maison du pêcheur, c’est-à-dire du prélat. Celui-ci te conseillera de t’attacher au rocher de la pénitence jusqu’à ce que les messagers, c’est-à-dire les ecclésiastiques, après l’accomplissement de la pénitence, te conduisent à Rome. Cette ville est la sainte mère l’Église dans laquelle nous devons demeurer, c’est-à-dire respecter ses préceptes. Et les cloches sonneront, c’est-à-dire que les œuvres de la miséricorde porteront un élogieux témoignage disant que tu t’es racheté par la pénitence. Et les habitants de la ville se réjouiront, cela désigne les anges de Dieu au sujet du pécheur, comme il est écrit au chapitre 15 chez saint Luc : « Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. » Alors, tu pourras conduire la reine, c’est-à-dire l’âme, à l’abbaye du royaume céleste. Que le Seigneur nous y conduise !