IR : Geineamhain Ghrigóir

Présentation

Édition : Peter Andersen

Description succincte

  • Témoins : 1 manuscrit
  • Sigles : IR
  • Longueur totale des témoins : 10 pages
  • Témoin publié et transcrit : IR
  • Longueur du témoin publié : 243 lignes et 3332 mot
  • Référence numérique : lignes du manuscrit unique
  • Auteur : anonyme
  • Lieu : Irlande
  • Date : 1472/1678, probablement le XVIIe siècle
  • Source : L6

Facsimilés

  • IR (1678 ; Oxford BL, MS Rawlinson B 477, fol. 5v-10r)

IR-5v (1678) Oxford BL (détail)

Geineamhain Ghrigóir, 1678, fol. 5v
Oxford BL, MS Rawlinson B 477


La version irlandaise de la légende du Bon Pécheur est conservée dans un manuscrit unique de 1678. C’est la seule version connue dans une langue celtique. L’édition princeps fut publiée en 1958 par Sheila Falconer et reste à ce jour la seule édition du texte. Hormis cette édition et l’analyse de Brian Murdoch en 2012, la recherche sur cette version est inexistante.

La copie manuscrite compte 243 lignes sans titre, sans initiale et sans subdivision. La première ligne est écrite en majuscules. Le texte comporte de très nombreuses abréviations et est souvent peu lisible, voire illisible. Falconer compte sept lacunes de quelques mots et signale un hapax legomenon désignant l’objet dans lequel le protagoniste est placé quand il est abandonné aux flots : bpiseacla, piseaccla, piseacla (IR 60, 61, 96, 100). Comme il est possible de refermer cet objet, il ne s’agit guère d’un berceau, mais plutôt d’un sac. Le mot pourrait dériver du latin bissaccium qui a donné « besace » en français. Le récit du Bon Pécheur a été copié par une seule main qui a aussi copié la plupart des autres textes du manuscrit. Celui-ci contient plusieurs textes irlandais en vers et en prose dont un long extrait d’un poème arthurien (fol. 10v-22v). Le manuscrit est daté du 20 décembre 1678 à la fin du récit du Bon Pécheur. L’analyse linguistique suggère une rédaction dans le nord de l’Irlande. Cette localisation est confirmée par les derniers feuillets comprenant notamment une lettre anglaise datée du 14 mai 1678 et signée par un homme du comté de Monaghan jouxtant aujourd’hui la frontière de l’Irlande du Nord.

Le récit du Bon Pécheur se termine par une phrase que l’on peut interpréter comme un titre : Geineamhinn Ghrigo̅ir (naissance de Grégoire). Facolner l’adopte sous cette variante que nous conservons : Geineamhain Ghrigo̅ir. Il reprend le début du titre introduisant la version continentale des Gesta Romanorum à partir de la troisième édition et tout porte en effet à croire que l’auteur irlandais s’est appuyé sur un texte imprimé de cette source. Il ne l’adapte pas aussi fidèlement que les auteurs des versions néerlandaise, hongroise et polonaise, mais de nombreuses formulations confirment que c’est bien sa source principale, voire unique. Rien ne permet en revanche d’affirmer avec certitude qu’il a eu recours à d’autres versions de la légende du Bon Pécheur ou à d’autres textes, comme ceux relatant la légende de saint Alban. Falconer songe à un emprunt à cette légende apparentée en raison du remplacement du duc de Bourgogne par un prince de Hongrie, mais cette modification peut être soit fortuite soit accidentelle. Murdoch envisage une confusion scribale entre Burgundia et Hungari (2012, p. 169) et cette explication paraît plausible. L’auteur irlandais s’éloigne souvent des Gesta Romanorum. Voici les principales différences : (1) le grand-père du héros est un empereur anonyme dans un pays inconnu, (2) les parents pratiquent l’inceste pendant une année complète avant que le père du héros découvre la grossesse, (3) la quantité d’or et d’argent est différente de celle des autres versions, (4) c’est la mère qui donne le nom à son enfant, (5) l’abbé embrasse affectueusement l’enfant quand il le découvre, (6) la dispute éclate pendant une partie de hurling, (6) l’invasion du prétendant n’est rapportée que lorsque le héros retourne dans sa région natale et l’agresseur est un prince hongrois, (7) le rocher est surmonté d’une église où le héros séjourne pendant 18 ans, (8) la clef est retrouvée en mer sur le chemin du rocher et a été avalée par un saumon, (9) la voix céleste parle deux fois à Rome et un angle s’adresse parallèlement au pénitent sur le rocher. Le retardement du récit de l’invasion et la découverte tardive de la clef provoquent deux permutations. Les épisodes 9 et 22 sont ainsi insérés au milieu des épisodes 14 et 23. Le remplacement du jeu de balle par le hurling exprime la couleur locale du récit irlandais.

Le manuscrit conserve une copie comportant quelques lacunes et des erreurs. Celle-ci est quand même relativement complète, ce qui suggère que la rédaction originale n’est pas très éloignée de la date inscrite à la fin du récit. Falconer envisage une rédaction dès le XIVe siècle, un terminus post quem incontournable en raison de la source principale, les Gesta Romanorum (1958, p. 52), et argumente en faveur d’une date antérieure à la version imprimée en raison de similitudes ponctuelles avec les adaptations versifiées (ibidem. 59). Plus prudent, Murdoch estime que le texte irlandais date plus probablement du XVIe siècle, voire d’une période encore plus tardive (2012, p. 167). Il est en effet plus logique de situer la rédaction au XVIIe siècle, car si l’on excepte la lettre de 1678, le seul autre texte datable du manuscrit est un poème de Brían Ó Corcráin, mort vers 1624.

Comme édition et traduction, nous avons provisoirement transcrit les textes de Falconer. Son édition sera ultérieurement remplacée par une transcription en TEI et une traduction française sera proposée. Notre présentation provisoire sera également complétée et corrigée par un spécialiste de l’irlandais.