D14 : Die glückhafte Schuld
Présentation
Édition : Peter Andersen
Description succincte
- Témoins : 2 éditions (1940-1968, sigles selon la chronologie D14-1 et D14-2)
- Longueur totale des témoins : 246 pages
- Témoin de référence : édition de 1940
- Longueur du témoin de référence : 155 pages, 3212 lignes et 21695 mots
- Référence numérique : ligne du témoin de référence
- Auteur : Hanna Stephan
- Lieu : Allemagne
- Date : 1940
- Source : principalement D1, ponctuallement D6 et L6
Facsimilés
- D14-1 (Stephan 1940 ; Bischheim, sans cote, p. 0-158) – EN COPYRIGHT
- D14-2 (Stephan 1968 ; Bischheim, sans cote, p. 0-99) – EN COPYRIGHT
Transcription normalisée (2025)
- D14-1 (PDF) – EN COPYRIGHT
Les facsimilés et la transcription sont mis en ligne avec l’aimable autorisation de l’ayant droit de l’oeuvre de Hanna Stephan, son neveu Ingolf Lamprecht (août 2025). Le copyright expire officiellement le 31/12/2050.
Structure
- 2 citations et 9 chapitres non numérotés : (0) citation de Roswitha de Gandersheim (p. 3/0), (1) Prolog (p. 5-11/1-148), (2) Vigilie (p. 12-25/149-430), (3) Matutin (p. 26-39/431-724), (4) Prim (p. 40-58/725-1130), (5) Terz (p. 59-78/1131-1554), (6) Sext (p. 79-100/1555-2025), (7) None (p. 101-116/2026-2347), (8) Vesper (p. 117-137/2348-2784), (9) Kompletorium (p. 138-157/2785-3212), (10) Epilog avec citation de Hölderlin (p. 158/3212)
- 17 épisodes : 0 (p. 3/0), 8 (p. 5-17/1-271), 7 (p. 17-25/272-430), 10 (p. 26-39/431-724), 12 (p. 40-42/725-769), 11 (p. 42-61/770-1171), 12 (p. 61-67/1172-1308), 13 (p. 67-82/1309-1636), 14 (p. 82-92/1637-1837), 15 (p. 92-100/1838-2025), 16 (p. 101-111/2026-2246), 17 (p. 111/2247-2259), 18 (p. 111-116/2260,-2347), 19 (p. 117-134/2348-2727), 20 (p. 134-137/2728-2784), 21 (p. 138-145/2785-2935), 22 (p. 145-153/2936-3116), 23 (p. 153-155/3117-3169), 25 (p. 155-157/3170-3212), 26 (p. 158/3212)
Discours direct
- 206 répliques entre doubles guillemets (dont 48 coupées par des incises suivies de doubles guillemets : 99, 106, 267, 278, 346,350, 449, 801, 803, 975, 983, 996, 1031, 1033, 1036, 1093, 1142, 1241, 1341, 1350, 1361, 1367, 1371, 1389, 1397. 1476, 1478, 1502, 1630, 1635, 1737, 1799, 1805, 1819, 1828, 1976, 2054, 2538, 2542, 2638, 2642, 2660, 2663, 2719, 2779, 2915, 2922, 3068, 3082, 3087)
La première adaptation romanesque de la légende du Bon Pécheur est celle, méconnue, de Hanna Stephan (1902-1980), Die glückhafte Schuld (La culpabilité heureuse). Ce roman parut en 1940 chez l’éditeur munichois Michael Beckstein, actif environ de 1905 à 1946. Une réédition parut en 1968 à Göttingen sous le nouveau titre Gregorius auf dem Stein. Legende. L’éditeur Sachse & Pohl était actif de 1961 à 1971. Les droits du texte appartiennent actuellement au neveu de la romancière Ingolf Lambrecht, fils de sa soeur Edith, et ne tomberont dans le domaine public que le 1er janvier 2051. L’équipe du projet exprime sa profonde reconnaissance à l’ayant droit d’avoir accepté à titre gracieux la mise en ligne du roman de sa tante.
Hanna Stephan était une auteure très prolifique, mais sa production fait aujourd’hui partie de la « littérature oubliée ». C’est en effet dans un recueil publié sous ce titre (Vergessene Literatur) que l’on trouve le principal article consacré à sa vie et à son œuvre (Hörner 2001a). Il est suivi d’un article consacré spécifiquement à l’adaptation romanesque de la légende du Bon Pécheur par Stephan (Hörner 2001b). Les seules autres analyses de ce roman sont des comparaisons avec L’Élu de Thomas Mann (Wunderlich 1965, Bronsema 2005). Ni Volker Mertens ni Sylvia Kohushölter ni Brian Murdoch ni aucun autre spécialiste de la légende grégorienne ne mentionnent ce roman. Il existe bien sûr divers articles sur la vie de Stephan (Güttler 2000) et sa production littéraire en général (Gottzmann 2001, 2005).
Née le 2 juin 1902 à Dramburg en Poméranie (aujourd’hui Drawsko Pomorskie), Stephan passa son enfance en Westphalie et sur les bords du Rhin. Elle étudia l’histoire, l’allemand et la religion aux universités de Marbourg et Berlin de 1923 à 1928, présenta en 1927 un travail sur la grammaire allemande et obtint en 1929 le doctorat grâce à une étude de la sociologie de Wilhelm Heinrich Riehl (1823-1897). Après ses études, Stephan enseigna à Berlin et fut en 1932 victime d’une grave septicémie qui la cloua au lit pendant plusieurs années. Cette maladie l’empêcha d’enseigner et fut déterminante pour sa réorientation vers la littérature. En 1937, elle débuta avec un roman historique sur la dynastie des Liudolfinger et continua à s’intéresser au Moyen Âge jusqu’en 1940. Die glückhafte Schuld clôt cette première phase médiévale de son activité littéraire. Elle se tourna ensuite vers le présent et la littérature de jeunesse et publia à un rythme soutenu jusqu’à 1976 selon la liste bibliographique de référence. Celle-ci compte 54 entrées entre 1937 et 1976 dont deux traductions anglaises et quelques poésies (Hörner 2001a, p. 17-19). De nombreuses publications ont connu des rééditions comme Die glückhafte Schuld. Der große Umweg (Le grand détour, 1955) fut réédité cinq fois entre 1962 et 1978. Elle décéda le 12 avril 1980 à Osterode dans le Harz où elle s’était installée au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Comme elle n’avait pas d’enfants, ses neveux et nièces, trois enfants de son frère jumeau Hans (1902-1973) et deux de sa soeur cadette Edith (1905-1940). Son frère était architecte et réalisa notamment des dessins pour Albert Speer dans le cadre du projet de fonder une nouvelle capitale mondiale Germania.
Le roman Die glückhafte Schuld est un in-quarto en Frakturschrift (écriture gothique) avec trois illustrations, une grande gravure sur la jaquette représentant le protagoniste, une petite gravure sur la couverture en carton représentant un poisson et une autre petite gravure sur la page de titre avec la vignette de l’éditeur munichois Michael Beckstein. L’ouvrage se divise en neuf chapitres non numérotés avec une pagination de 5 à 156. Les pages ont 21 à 22 lignes et mesurent 188 x 110 mm avec une surface d’impression de 121 x 72 mm. Si l’on inclut les feuillets blancs, le roman compte 84 feuillets représentant dix cahiers de 10 feuillets chacun, ainsi trois feuillets supplémentaires au début dont un blanc, un avec le faux titre (000d) et un autre avec la page de titre (000f), et un autre feuillet blanc à la fin (161-162). La réédition de 1968 reprend le texte lui-même sans changements. C’est également un in-quarto. Il mesure 195 x 115 mm avec une surface d’impression de 150 x 85 mm et est paginé de 9 à 99. Les pages ont 31 lignes.
Dans une lettre de 1961, Hanna Stephan a décrit Die glückhafte Schuld comme un conte « maritime » (Wunderlich 1965, p. 643). Le thème de la mer et de la pêche est en effet omniprésent. La gravure de la jaquette montre le protagoniste adulte debout dans un bateau. La voile arbore son blason, un poisson et deux oiseaux, et le navire est accompagné symétriquement de quatre poissons dans l’eau et de quatre oiseaux dans l’air. Hormis le premier qui est décrit comme un prologue (Prolog), les chapitres portent des titres renvoyant à la liturgie des heures et plus particulièrement aux huit heures monastiques de la règle de saint Benoît. Ces heures vont des vigiles correspondant à la période entre minuit et le lever du jour aux compiles correspondant à la période après le coucher du soleil. Le temps du roman est ainsi symboliquement celui d’une journée de 24 heures.
Le récit est précédé d’une citation de Roswitha de Gandersheim : « Ein kleiner Tropfen, den ich nicht etwa mit Bedacht aus den gefüllten Schalen der Weisheit schöpfte, sondern den ich auffing, als ich zufällig vorüberging: Ihn an Euch weiterzugeben war mein Bestreben. » (Une petite goutte que je n’ai pas puisée intentionnellement dans les coupes pleines de la sagesse, mais que j’ai saisie en passant devant fortuitement, je me suis efforcée de vous la transmettre.) Cette phrase est prononcée par l’ermite Paphnutius dans l’une des comédies de Roswitha : « Tenuem scientiae guttulam, quam de plenis sciorum pateris effluentem, non ad colligendum residens, sed casu praeteriens, repertam elambi, vobiscum communicare studui. » (éd. Winterfeld 1902, p. 166). La citation est suivie d’un bref commentaire de Hanna Stephan qui présente le récit comme un « vieux conte allemand » (altdeutsche Mär). Elle l’appelle Gregorius auf dem Stein et affirme qu’il contient une parcelle immortelle de sagesse. Ce commentaire est supprimé dans la réédition de 1968.
Nous avons renoncé à une traduction intégrale du roman et en proposons seulement un résumé détaillé des neuf chapitres que nous numérotons en romains pour plus de clarté.
- Chapitre I : Prologue
Le premier chapitre commence par une scène où les pêcheurs jettent leurs filets après la naissance de l’enfant et la mort de son père. La scène se déroule en Aquitaine, un royaume gouverné autrefois par le roi Mark. Les pêcheurs entonnent un chant qui sera repris à plusieurs reprises au cours du récit tel un leitmotiv. Dieu y est présenté comme « le grand pêcheur » (Der große Fischer, 13) qui noue les filets dans lesquels nous serons pris. Le chant se termine par ce refrain : « Qui pourra s’échapper ? » (Wer mag entrinnen?, 15). Les pécheurs entrevoient dans le brouillard un cavalier et entonnent un second couplet. Le cavalier s’arrête dans la cour du château où il est accueilli par la servante Agape. En voyant l’épée du fils de Mark, elle devine une tragédie. Le royaume est gouverné par la fille de Mark depuis le départ de son frère en croisade. La reine vient de terminer un manteau qu’elle a mis neuf mois à tisser sur son métier. Elle vient aussi d’accoucher d’un enfant qu’elle a eu avec son frère. Il est blond aux yeux bleus.
- Chapitre II : Vigiles
Au début du second chapitre, la reine est dans une chambre secrète avec son enfant. Agape entre et lui annonce la mort de son frère et époux. Elle conseille à la reine de baptiser l’enfant. La reine refuse et appelle déjà son enfant Gregorius. Avec une aiguille, elle grave dans une tablette un message rimé en runes, y nomme l’enfant et explique que son sang est impur. Les deux femmes traversent le château avec l’enfant, atteignent la porte à l’aube et confient l’enfant à la mer dans un caisson de pêche.
- Chapitre III : Laudes
Au matin de la troisième journée en mer, l’enfant atteint la côte bretonne. Les pêcheurs y rentrent bredouilles et sont pris dans une tempête. C’est alors qu’ils découvrent une barque sans gouvernail, accompagnée d’une multitude de poissons et mouettes. Ils décident de la montrer à l’abbé de leur monastère qui aiment les miracles. Lorsqu’ils atteignent la barque, la tempête cesse brusquement et la mer devient lisse comme un miroir. Ils ramènent leur prise à la côte sans découvrir l’enfant qui est dissimulé par le manteau. Alors qu’ils tentent de cacher leur prise à l’abbé, l’enfant se met à pleurer. L’abbé découvre l’enfant et le trésor et lit la tablette. Il ordonne le silence aux pêcheurs, confie l’enfant au plus pauvre d’entre eux et lui dit de faire passer l’enfant pour celui du neveu de sa femme et de l’amener le soir à l’abbaye pour qu’il le baptise lui-même du nom de Gregorius. Il lui donne en contrepartie trois des pièces d’or qu’il a trouvées à côté de l’enfant. Il achète le silence des autres avec trois thalers d’argent. Le soir, il baptise l’enfant comme prévu.
- Chapitre IV : Prime
La mère adoptive de Gregorius presse son mari de lui révéler la provenance de l’enfant, mais son mari entonne seulement le chant des pêcheurs d’Aquitaine. Quand l’enfant atteint l’âge de sept ans, le pécheur le conduit à l’abbé qui l’habille en moine et le met à l’école. Son apprentissage dure sept ans. Le soir, Gregorius retourne quotidiennement à la plage pour jouer avec les enfants des pêcheurs, mais sous la surveillance de son maître d’école. Un jour, il commence à interroger l’abbé et lui demande d’expliquer ce que sont un homme, le monde, la croix, la musique et la mort. Malgré les réponses de l’abbé qui l’encourage à se tourner vers le monde spirituel, Gregorius décide d’apprendre la musique humaine. L’abbé lui montre d’abord dans une chapelle un ossuaire avec les crânes des moines, puis dans la cabane du pêcheur le cadavre de son père adoptif qui vient de mourir. La dernière question que Gregorius pose est : « Qui pourra s’échapper ? » (1116). Comme l’abbé répond : « Le sage » (Der Weise, 1120), Gregorius lui demande de lui enseigner la sagesse et reste encore de nombreuses années dans l’abbaye.
- Chapitre V : Tierce
Gregorius acquiert la sagesse et devient un expert de la loi. Les autres moines l’invitent à prendre la succession de leur abbé quand celui-ci trépassera. Il ne joue plus avec ses frères de lait, mais continue à observer le travail des pêcheurs quand l’obscurité l’empêche de lire les parchemins. Un jour, il commence à se battre les enfants des pêcheurs et les dominent facilement, y compris le fils préféré de sa mère adoptive, un brun. Celui-ci se blesse en tombant et accourt à sa mère qui crie la vérité sous le coup de la colère. Gregorius l’entend, retourne à l’abbaye et demande à l’abbé qui il est. L’abbé lui répond : « Un homme » (ein Mensch, 1339). Gregorius lui parle de son rêve de devenir chevalier. L’abbé lui montre son trésor et Gregorius lit l’inscription de la tablette qui est reproduite in extenso. À la fin de la scène, il devient chevalier et se dit un homme.
- Chapitre VI : Sexte
Lors de son dernier entretien avec l’abbé, Gregorius pose une nouvelle série de questions. Il veut savoir ce que sont un homme libre, un sage et un riche, également qui acquiert la fidélité, la fierté et l’honneur et « l’excès de la vie » (des Lebens Übermaß, 1607). Il monte à bord d’un bateau, quitte la Bretagne en direction du Sud et atteint au bout de trois jours l’Aquitaine sans savoir que c’est son pays natal. Il rencontre des chevaliers qui l’accueillent parmi eux et lui apprennent les vertus de la chevalerie. Ils lui expliquent que le pays est gouverné par une reine qui, après avoir perdu son frère en croisade, a été agressé par un duc de Rome, mais repousse tout prétendant. Gregorius décide de libérer le pays et se rend à la cour. Après avoir rencontré la reine et écouté la messe, il affronte l’agresseur sur la plage et arbore un poisson comme blason. Il remporte le duel et capture le duc.
- Chapitre VII : None
Après sa victoire, Gregorius est accueilli par la reine. Les conseillers de celle-ci lui recommandent de se marier pour défendre le pays. Elle décroche au mur l’épée de son frère, la donne à Gregorius et déclare l’accepter comme son maître. Il se présente et se nomme Gregorius. En entendant ce nom, le visage de la reine s’assombrit. Quand la servante Agape se met à pousser des cris de détresse, la reine lui ordonne le silence. Elle demande à Gregorius d’où il vient. Il dit venir du nord. Ensuite, mère et fils sont unis par les liens du mariage. Le lendemain, la reine croit reconnaître le manteau de son mari pendant la messe. Elle le fait venir dans une chambre secrète et l’interroge sur l’origine du manteau. Quand il évoque l’abbé et la mer, elle comprend tout. Elle lui demande de montrer la tablette et il l’apporte. Elle lit l’inscription à haute voix et il comprend tout à son tour.
- Chapitre VIII : Vêpres
Gregorius s’enfuit vers le Nord. En Bretagne, il rencontre un pêcheur qui chante les mêmes vers qu’au début. Il reconnaît son frère de lait, se met à son service et attrape quantité de poissons. Un jour, lors d’une tempête, son frère de lait lui demande qui il est. Gregorius se décrit comme un homme et un simple serviteur. Son frère de lait finit par le reconnaître. Gregorius lui raconte toute son histoire et lui demande pardon de l’avoir frappé. La tempête les amène vers une île où le frère de lait attache les pieds de Gregorius avec une chaîne, jette la clef dans la mer et abandonne son compagnon.
- Chapitre IX : Complies
Enchaîné sur l’île, Gregorius se désaltère à une source et s’alimente de ce qui pousse grâce aux graines apportées par les oiseaux. Bien plus tard, Dieu envoie des rêves à un chevalier, un marchand et un moine. Par ces rêves, il les somme de partir à la recherche de l’homme le plus pur pour qu’il devienne le premier d’entre eux. Les trois se retrouvent fortuitement chez le pêcheur au bout d’une année de vaine recherche. Quand il leur sert un poisson, il retrouve la clef et conduit ensuite ses hôtes à l’île qui se trouve à l’ouest. Ils arrivent au coucher du soleil et le pêcheur détache Gregorius avec la clef. Il accepte de les suivre et retourne dans la terre des hommes. La nature salue son retour en verdissant et les cloches des villages sonnent d’elles-mêmes. Gregorius entend enfin la musique humaine. Il guérit les mendiants et les malades. En apprenant ses miracles, sa mère se met en route avec sa servante Agape. Bien que sa mère ressemble à une mendiante, Gregorius la reconnaît. Elle lui demande : « Qui pourra s’échapper ? » (3210). Il répond : « Celui qui ne s’enfuit pas » (Der nicht entrinnt, 3211).
Le roman se termine par une citation du court poème Sophokles de Friedrich Hölderlin (1770-1843) : « Viele haben versucht das Freudigste freudig zu sagen / Hier spricht endlich es mir, hier in der Trauer sich aus. » (éd. Mieth 1970, p. 343) (Beaucoup ont tenté de raconter joyeusement ce qu’il y a de plus joyeux. Maintenant, cela s’exprime enfin en moi, dans le deuil.). Cette citation est supprimée dans la réédition de 1968.
Le roman est parsemé de passages versifiés, la plupart allitérés et non rimés. Au total, ces passages d’une longueur totale de 92 vers, soit près de 3 % du roman, comptent 35 vers différents, souvent répétés. Ci-dessus, nous les avons dotés d’une numérotation continue et accopagnées d’une traduction française. Seule l’inscription de la tablette écrite par la mère est rimée (v. 17-24). Les quatre autres passages sont chantés par des pêcheurs (v. 1-16), un gardien (v. 25-28) et des tisseuses (v. 29-35). Certaines strophes sont chantées intégralement (v. 1-8 : p. 5, 124 ; v. 9-16 : p. 6, 87 ; v. 25-28 : p. 92, v. 29-35 : p. 94, 109), d’autres partiellement (v. 5-8 : p. 41, 84 ; v. 7-8 : p. 10 ; v. 15-16 : p. 121 ; v. 8 = 16 = 28 = 35 : p. 11, 11, 25, 37, 58, 105, 157). L’inscription rimée est reproduite in extenso quatre fois (v. 17-24 : p. 22-23, 36, 76-77, 114). Le refrain est répété au total 17 fois.
- (1-8) Jahr und Tag die Fischer / Knüpfen die Netze. / Fisch und Fang vom Grunde / Heben sie in die Boote. / So knüpft auch die Netze / Der große Fischer. / Wir werden gefangen. / Wer mag entrinnen? (Jour après jour, année après année, les pêcheurs nouent leurs filets. Ils montent les poissons et leur prise du fond à bord de leurs bateaux. Le grand pêcheur noue ses filets de la même manière. Nous nous faisons attraper. Qui pourra s’échapper ?)
- (9-16) Zum Morgenfraß die Möwe, / Vom Meer besprengt die Flügel, / Kommt hungrig zur Küste, / Kreischt futterheischend. / Den Fisch aus den Wellen / Hebt schnell ihr Schnabel. / Dahin ist das Leben. / Wer mag erinnern? (Les ailes douchées par la mer, la mouette affamée s’envole vers la côte pour prendre son petit déjeuner, réclamant sa nourriture par des cris. Son bec est prompt à tirer le poisson hors des vagues. La vie est finie. Qui pourra s’échapper ?)
- (17-24) Gregorius, o Knabe vaterlos, / Gregorius, o Knabe mutterlos. / So mögen sich Meer und steiniger Strand erbarmen / Über Bruder und Schwester, die unseligen Armen. / So erbarme sich die reine Wasserflut / Über den reinen Knaben aus ihrem unreinen Blut. / Ach, wären der Menschen Herzen dem Knaben Gregorius hold, / Weiß ist das Silber zu seinen Füßen, rot zu seinen Häupten das Gold. (Grégoire, ô garçon sans père, Grégoire, ô garçon sans mère ! Que la mer et le rivage pierreux aient pitié du frère et de la sœur, les pauvres malheureux ! Que l’eau pure aie pitié du garçon pur issu de leur sang impur ! Ah, puissent les cœurs des hommes être favorables au garçon ! L’argent à ses pieds est blanc, l’or à sa tête rouge.)
- (25-28) Über die Brücke gehen / Und kehren wir wieder, / So wie wir müssen. / Wer mag entrinnen? (Nous traversons le pont-levis et retournons chez nous, comme nous le devons. Qui pourra s’échapper ?)
- (29-35) Im Webstuhl die Mägde / Schicken die schnellen Schiffchen, / Weben den bunten Mantel. / Blau, gold und silber / Und rot gleich dem Blute / Fliegen die flinken Fäden. / Wer mag entrinnen? (Les servantes envoient les rapides navettes dans le métier, tissent le manteau multicolore. Bleu, or, argent et rouge comme le sang, les fils agiles volent. Qui pourra s’échapper ?)
La source principale et presque unique du roman est le Gregorius de Hartmann. Ponctuellement, un vers entier est repris sans changement, par exemple ein betrogener Klostermann (D14-1 1400), chez Hartmann ein betrogen klôsterman (D1 1535). La référence au roi Mark est empruntée à la version des Gesta Romanorum (L6). Stephan connaît aussi la tradition du recueil hagiographique Der Heiligen Leben (D6) puisqu’elle emploie le titre Gregorius auf dem Stein dans l’introduction.
Dans le roman, le protagoniste ne recherche pas le salut de son âme, mais la pureté immanente en tant qu’être humain. Certains motifs étaient dans l’air du temps, comme la blondeur de Gregorius (203, 330, 824, 935, 1633, 1931, 1954, 2466, 2656). Ses cheveux sont « jaunes comme le sable de la mer » (gelb wie Meersand, 330). Par sa blondeur, il ressemble à sa mère (229, 294, 331, 1931) et se distingue de son frère de lait qui est brun et qui a donc mauvais caractère. Il va de soi que Gregorius, personnage foncièrement bon comme chez Hartmann, ait les yeux bleus (284, 936, 1955). Le seul autre personnage à porter un nom est Agape, la servante et confidente de la reine. Son nom signifie « amour_ » en grec et exprime bien son caractère.
Si le roman a connu un succès relativement modeste, il influença peut-être Thomas Mann. Eva Wunderlich a repéré certains motifs propres aux deux romans et Petra Hörner va jusqu’à affirmer qu’il existe des emprunts littéraux, sans toutefois donner des exemples concrets (2001b, p. 21). Bien que les emprunts littéraux semblent en fait se limiter à ceux issus du Gregorius de Hartmann, l’hypothèse d’une dépendance ponctuelle de Mann par rapport à Stephan mérite réflexion. Il est en tout cas surprenant que l’article de Wunderlich ne soit pas cité dans le dernier commentaire sur L’Élu, long de 557 pages et par ailleurs extrêmement complet (Detering / Ermisch 2021). Die glückhafte Schuld est de toute manière un témoin important de la réception tardive de la légende du Bon Pécheur et une preuve supplémentaire de sa popularité croissante au cours du XXe siècle. Par le nombre de ses mots et sa pagination, c’est la seconde version la plus volumineuse de notre corpus et la gravure de la jaquette sans doute la dernière représentation iconographique du Bon Pécheur à ce jour.