L1 : Gesta Gregorii peccatoris
Présentation
Édition : Peter Andersen & Ingrid Brenez
Description succincte
- Témoins : 2 éditions
- Sigles : L1-1 à L1-2
- Longueur totale des témoins : 36 pages
- Témoin publié et transcrit : L1-1 d’après l’édition de Schilling 1986
- Longueur du témoin publié : 4107 vers et 80 lignes en prose et environ 15200 mots
- Référence numérique : numérotation continue des vers et lignes de l’édition de Schilling 1986
- Auteur : Arnold de Lübeck
- Lieu : Lübeck
- Date : 1209/1213
- Source : D1
Facsimilés
- L1-1 (Schilling 1986 ; Strasbourg BNU, CD.500.072,280, fol. 210r-227r, autre sigle P)
- L1-2 (Leo 1837 ; Strasbourg BNU, A.11.238, p. 1431, autre sigle B)
La première version latine de la légende du Bon Pécheur est une adaptation linéaire, mais relativement libre du Gregorius de Hartmann. Elle vit le jour au début du XIIIe siècle à Lübeck à la demande de Guillaume de Lunebourg (1184-1213), le dernier fils du duc de Saxe Henri le Lion (1129/1131-1195) et de Mathilde d’Angleterre (1156-1189), fille du roi Henri II d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine. Guillaume était le frère cadet d’Otton de Brunswick (1175/1176-1218), couronné empereur romain en 1209. Le texte lui est dédié par l’auteur qui révèle son propre nom dès la dédicace : Arnoldus dei gracia abbas de Sancto Iohanne in Lyubeka (« Arnold, par la grâce de Dieu abbé de Saint-Jean à Lübeck », L1 3-4). Arnold de Lübeck (v. 1150-1211/1214) avait grandi à la cour de Brunswick et reçu une formation de moine à l’abbaye bénédictine Saint-Gilles de cette ville. En 1177, il devint le premier abbé de l’abbaye bénédictine Saint-Jean, fondée à Lübeck cette même année. Il exerça cette fonction jusqu’à sa mort, le 27 juin 1211 ou 1214. Il est surtout connu pour sa Chronique des Slaves (Chronica Slavorum) qui s’achève à l’automne 1209. Il l’évoque dans le troisième épilogue (L1 4179-4181). Cette chronique est donc antérieure à l’adaptation du Gregorius de Hartmann dont la mort du commanditaire le 12 décembre 1213 constitue un terminus ante quem. Si l’auteur décéda lui-même dès 1211, la rédaction de son poème se situe dans une fourchette de moins de deux ans.
Comme la diffusion du texte de Hartmann se limitait au sud de l’aire germanophone à en juger d’après les manuscrits conservés et les autres témoignages de sa réception, il est surprenant qu’il soit parvenu jusqu’à Lübeck moins de deux décennies après sa rédaction que l’on situe quelque part dans le duché de Souabe, aujourd’hui grosso modo l’Alsace, la Suisse alémanique et le Bade-Wurtemberg. Les contacts entre la dynastie des Guelfes au Nord et la dynastie des Hohenstaufen au Sud étaient certes nombreux, mais il convient de noter que le jeune Guillaume de Lunebourg constitue un lien privilégié entre les camps rivaux. Né en Angleterre pendant l’exil de son père, il y resta quand celui-ci retourna en Saxe en 1185. En 1193, à l’âge de neuf ans, Guillaume devint l’otage le plus éminent que les Anglais remirent aux Allemands en échange de la libération de leur roi Richard Cœur-de-Lion. Par sa mère Mathilde, Guillaume était le neveu du roi. Capturé en Autriche au retour de la Troisième Croisade, Richard Cœur-de-Lion était retenu prisonnier en Allemagne par l’empereur Henri VI de la dynastie des Hohenstaufen. Pour sa part, Guillaume resta prisonnier en Hongrie pendant une durée indéterminée et retourna en Allemagne en 1195 ou 1196. Il résida ensuite à Brunswick et Lunebourg. Comme il est admis que Hartmann rédigea le Gregorius entre 1190 et 1195, Guillaume a pu en prendre connaissance dans son enfance, dès sa captivité. C’est sans doute l’achèvement de la Chronique des Slaves qui lui donna l’idée de commander une adaptation latine du Gregorius à Arnold de Lübeck, mais faute d’indices plus précis la recherche est réduite aux spéculations concernant les motivations du dédicataire et de l’auteur. Nous pouvons seulement constater que cette initiative conduisit à une magnifique geste, la rédaction la plus volumineuse et de loin la plus érudite de la légende du Bon Pécheur.
L’adaptation du Gregorius par Arnold de Lübeck ne connut qu’un succès limité car seuls deux manuscrits en sont connus. Un feuillet datant du XIIIe siècle et conservant 30 vers fut découvert en 1826 à Berlin par l’historien allemand Heinrich Leo (1799-1878) (sigle B ou L1-2). Dans un compte rendu publié en 1837, il en édita les 29 vers qu’il arrivait à déchiffrer. Le fragment n’a jamais été retrouvé. L’unique manuscrit complet datait de la seconde moitié du XVe siècle mais paraît bien plus proche de l’original. Il fut réalisé par différentes mains dans l’abbaye de Böddeken près de Paderborn (fol. 183v) et appartenait à la Bibliothèque académique de l’archevêché de Paderborn quand son existence fut signalée pour la première fois en 1877 (sigle P ou L1-1). Il y resta jusqu’au 3 février 1981 où il fut volé avec d’autres manuscrits. Il n’a jamais été retrouvé non plus. Auparavant, il avait été édité deux fois, en 1886 sommairement par Gustav von Buchwald (1850-1920) et en 1986 de manière rigoureuse et scientifique par Johannes Schilling. La seconde édition est issue d’une thèse soutenue à Göttingen en 1981. En préparant sa thèse, Schilling avait pris des photos personnelles des 35 pages que contenait cette copie. Il édita ces photos en 1986 en annexe à son édition. Les négatives n’existent plus. L’édition est ainsi le seul témoin photographique du manuscrit perdu.
Le codex se composait de 232 feuillets de papier et contenait sept textes. D’après l’incipit qui pourrait remonter à l’original, le cinquième texte s’intitulait Gesta Gregorii peccatoris (Geste du pécheur Grégoire, L1-1). L’histoire elle-même est divisée en quatre livres de longueur inégale. Ils se composent respectivement de 17, 33, 18 et 31 chapitres, soit un total de 99 chapitres. Ils sont tous entièrement versifiés et leur longueur va de 10 à 137 vers. Graphiquement, ils constituent des blocs bien distincts sans retour à la ligne, commencent par une initiale d’une hauteur de deux à dix lignes et sont dépourvus de titres, mais numérotés en petits caractères à droite. Dans l’édition princeps, von Buchwald opta pour une numérotation continue par livre et scinda les vers selon les rimes. Il compta ainsi respectivement 964, 1468, 509 et 1202 vers dans les quatre livres. Dans la numérotation du dernier livre, il inclut les deux premiers épilogues qui comptent 67 vers dans son édition. Il parvint ainsi à un total de 4210 vers. Il ne pourvut pas les autres trois sections d’une numérotation : la préface, le prologue et le troisième et dernier épilogue. Dans la seconde édition, Schilling opta pour une numérotation distincte de chacune des 104 sections et parvint un total de 4107 vers et 80 lignes en prose. Selon le principe général de notre projet, nous avons introduit une numérotation continue allant de 1 à 4187 et suivant la division de Schilling indépendamment du manuscrit. Cette numérotation permettra une comparaison simple avec les autres adaptations de la légende, notamment dans le tableau des concordances, mais aussi une désignation plus commode des 36 numérisations publiées. La transcription diplomatique de l’édition de Schilling que nous proposons indique parallèlement la numérotation initiale de chaque section entre parenthèses. Compte tenu de la perte peut-être définitive du codex de Paderborn et de la qualité médiocre des photos disponibles, une transcription du témoin principal en TEI ne paraît guère envisageable.
Cette description sommaire et provisoire sera complétée à un stade ultérieur du projet.