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Dans cette contrée, la province de Virginie[227], poussent également toutes sortes de plantes que l’on trouve en Europe : des pommes, des cerises, des poires, des pêches, etc. mais il n’y a pas de quetsches[228]. En ce qui concerne les céréales, il y a du froment, du blé et d’autres céréales de ce genre, mais pas beaucoup parce que les Anglais n’en font pas grand cas. En ce qui concerne le maïs, il y en a en surabondance, et d’ailleurs c’est la plante la plus répandue en Amérique, comme le montrent les plantations, qui ont jusqu’à 12-15 arpents de maïs d’un seul tenant.

In dieser Gegend oder Profintz Virginia befindet sich auch aller Sorten Wachsthümer die man in Europa findet, welches seynd : Äpfel, Kirschen, Bieren, Persching etc Zwetschen aber hats keine alda. Was die Erdfrüchten anbelangt hat es Waitzen[,] Korn und dergleichen, Früchten aber nicht sehr viel, weil es die engelische Nation nicht hoch estomieren thut : Was das Welsch- Korn anbelangt hat es im Überfluß überhaupt ist es in America eines der stärcksten Gewächs daß gepflanzet wird, man kan sehen auf denen Plantaschen biß 12-15-Morgen Ackerland Welschkorn in einem Fluhr stehen.

De plus il pousse ici beaucoup de coton, et ce coton pousse de deux manières différentes. Une sorte est cultivée dans les plantations comme les haricots, de véritables arbrisseaux ont de petits boutons au départ, mais quand ils sont mûrs, ils ont la taille d’un œuf de poule et éclatent alors comme les bogues des châtaignes, libérant le coton tout blanc, qui est récolté par les maures tout comme les céréales. L’autre sorte pousse sur les arbres de la même manière, mais on la tient pour meilleure. Sur ces champs de coton l’on peut voir 100 Maures et encore plus, qui font la récolte pour leur maître.

Wiedrum wächset auch sehr viele Baumwolle alda, welche auf zweyerley Arten wachsen thut ; einige wird gepflanzet auf den Plantaschen gleich den Bohnen, mit gantzen Stauten welche treiben gantz kleine Knöpfe von Anfang, wan sie zeitig seyn, so seynd sie in der grösse wie Hüner-Eyer, und springen alsdan auf wie die Hülzen von den Castanien, und die Baumwolle hanget gantz weiß heraus uns wird alsdann eingeerndet wie sonste Früchten durch die Mohren. Wiedrum gibt es die ander Art welche auf den Bäumen wachset auf die nemliche Art welche aber vor besser gehalten wird. Man kann auf denen Baumwoll- Feldern biß 100 und noch mehr Mohren sehen um sie einzusamlen vor ihren Herrn.

Il y a encore une autre sorte de plante, qui pousse de la même façon que les haricots, qui comporte des tiges et des feuilles et qui court comme de la pervenche et s’appelle en leur langue patates et qu’on nomme en allemand pomme de terre[229].

Wiedrum findet man eine andre Art Gewächse, auf die nemliche Fasson wie Bohnen, mit Stauten und Blätter gantz lauffent gewachsen wie Wintergrün, welches auf ihre Sprache Batäters genennet wird, welches auf Deutsch Grundbieren beteudet.

[réclame]

welche

https://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/btv1b10110846m/f71/pct:0,0,50,100/,700/0/native.jpg

Strasbourg, Médiathèque André Malraux, ms f 15, p. 140.

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 Notes

227. La colonie de Virginie est la première colonie anglaise implantée en Amérique du Nord, elle doit son nom à la reine Elizabeth, Virginia étant une référence à son surnom « the Virgin Queen ». La charte est octroyée en 1606 par Jacques 1er à la Compagnie de Virginie, compagnie à actions chargée du développement de colonies anglaises dans le Nouveau Monde. L’existence de la colonie est effective après la fondation de Jamestown en 1607. La House of Burgesses réunie en 1619 est le premier organe représentatif en Amérique. S’ensuivent de multiples conflits avec les tribus indiennes qui n’empêchent pas une croissance constante du territoire. En 1624, la Virginie voit sa charte révoquée et devient une colonie de la couronne. Vers la fin du XVIIIe siècle, de très nombreux planteurs adoptent la culture du tabac comme principale activité. L’exportation du tabac assure la richesse de la colonie. Le développement de l’esclavagisme est concomitant, puisque ces vastes exploitations nécessitent beaucoup de main d’œuvre et le vieux système des indentured servants (les nouveaux immigrants signent un contrat long qui offre leurs services à employeur, ce statut, proche de celui d’esclave, est le lot de très nombreux migrants pauvres) n’en fournit plus assez. La société virginienne au XVIIIe siècle est dominée par un petit nombre de familles de planteurs, propriétaires d’esclaves en grand nombre, qui forment une sorte d’aristocratie locale.
228. Variété de prunes appelée « quetsches » en alsacien, répandue du Luxembourg à l’Autriche. Flohr aurait pourtant pu retrouver ce fruit qui lui est familier au Canada où il apparaît sous le nom de « prune bleue ». Il est courant de voir des voyageurs rechercher dans le paysage et l’alimentation des éléments familiers, voire d’associer de nouvelles variétés découvertes ailleurs à ce qui est déjà connu d’eux, en rajoutant simplement un adjectif précisant une forme ou une couleur particulière d’une denrée déjà consommée. Voir De Ferrière le Vayer (Marc), Williot (Jean-Pierre) (dir.), La Pomme de terre de la Renaissance au XXIe siècle, Rennes/Tours, Presses universitaires de Rennes/Presses universitaires François Rabelais, 2011, p. 120.
229. Présentée par Filippo Baldini en 1787 comme « L’un des cadeaux les plus riches que l’Amérique ait jamais fait à l’Europe » (De’ Pomi di terra, Naples, s.e., 1787, p. 23), la pomme de terre est un tubercule cultivé sur les hauts plateaux andins depuis 2 000 ans, mais déjà consommée dans le sud du Chili il y a 13 000 ans. Existant en plusieurs centaines de variétés inconnues pour la plupart d’entre elles en dehors des Andes, semés et récoltés par les femmes andines, le tubercule est longtemps confondu par les Européens avec la patate douce et le topinambour. Elle est classée avec justesse dans la famille des solanacées comestibles dès 1598 par les frères Bauhin qui la décrivent et la dessinent dans diverses publications au XVIIe siècle. Sa présence est attestée en Italie, dans la région de Bâle, à Montbéliard et en Franche-Comté dès la fin du XVIe siècle, mais elle reste sans appellation officielle et n’a de nom que dans les langues régionales. Poussant sous terre, sa petite taille et son aspect ridé font qu’on l’assimile à une truffe, et qu’on la surnomme truffole, triffole, treuffe ou cartoufle (qui a donné Kartoffel en allemand). Les soldats espagnols et anglais, l’assimilant à une patate douce, (papas), l’appellent « petite patate », patata en espagnol ou potatoe en anglais, appellation que Flohr reprend à son compte. Aliment de second choix parce qu’il s’agit d’un tubercule et non d’une graine, on en préconise la panification en France, qui ne jure que par le pain, alors qu’en Allemagne, en Suisse et en Alsace, elles sont cuites à l’eau ou sous la cendre et consommées légèrement écrasées et mélangées à du lait. Aliment des pauvres, la pomme de terre souffre de préjugés jusque dans les années 1780, mais elle s’est largement diffusée et est consommée massivement dès les années 1740. En 1765, dans l-article-que lui consacre L’Encyclopédie, elle est présentée comme à peine mangeable mais importante pour la vigueur des paysans (on la dit aphrodisiaque, et provoquant des flatulences prouvant la résistance des organes). Les agronomes vantent les mérites de la pomme de terre avec toujours plus d’intensité dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle (elle est nourrissante, et peut être un aliment habituel et sain), mais seule sa promotion par Parmentier en France lui permet de passer de subsistance des miséreux au statut d’aliment digne d’être consommé par tous, tout en faisant son apparition dans les recettes des manuels d’économie domestique dans les années 1790. Voir e Ferrière le Vayer (Marc), Williot (Jean-Pierre) (dir.), La Pomme de terre..., op. cit., p. 233.