D15 : Doktor Faustus

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Présentation

Édition : Peter Andersen

Description succincte

  • Témoins : au moins 47 éditions (1947-2022)
  • Longueur totale des témoins : au moins 150 pages
  • Témoin de référence : édition de 1947
  • Longueur du témoin de référence : 4 pages, 134 lignes et 1094 mots
  • Référence numérique : ligne du témoin de référence
  • Auteur : Thomas Mann
  • Lieu : Pacific Palisades en Californie
  • Date : 1947
  • Source : L6 dans la traduction allemande de Johann Georg Theodor Gräße (1842/1905)

Facsimilés

  • D15-1 (Mann 1947 ; Bischheim, sans cote, p. 487-490) – EN COPYRIGHT JUSQU’AU 31/12/2025, MISE EN LIGNE INTÉGRALE PRÉVUE LE 01/01/2026

Structure

  • 22 épisodes : 0 (1-11), 1 (12-13), 2 (13-14), 3 (14-18), 5 (19-20), 8 (20), 7 (20-27), 10 (27-30), 11 (30-33), 9 (33-43), 13 (43-45), 14 (45-47), 15 (47-60), 16 (50-61), 4 (62-66), 8 (66-74), 18 (74-84), 19 (84-90), 20 (90-94), 21 (94-102), 22 (102-110), 23 (110-115), 25 (115-126), 26 (127-134)

Discours direct

  • 7 répliques entre guillemets : 64, 68, 76, 99, 105, 108, 120

D15-1-487 (1947) Bischheim (détail)

Doktor Faustus, 1947, p. 487
Bischheim, sans cote


L’adaptation de la légende du Bon Pécheur la plus diffusée n’est ni un récit autonome ni un chapitre bien délimité dans un recueil, mais une représentation théâtrale fictive écrite en 1915 par un personnage de roman, Adrian Leverkühn, montée en 1921 en son absence et résumée de mémoire entre avril 1944 et avril 1945 par l’ami de ce même auteur imaginaire, Serenus Zeitblom. Ce résumé d’une pièce qui n’a jamais été composée couvre quatre pages dans l’un des romans allemands les plus célèbres du XXe siècle, le Docteur Faustus rédigé par Thomas Mann entre 1943 et 1947 aux États-Unis et publié en 1947 simultanément à Stockholm et Berlin.

Ce roman est une biographie d’Adrian Leverkühn, né en 1885 à Oberweiler, un village fictif près de Weißenfels en Saxe (ch. 3). Son ami Zeitblom qui relate sa vie à titre posthume est de deux ans son aîné (ch. 2). À partir de 1895, ils fréquentent ensemble le lycée à Kaisersachern, une localité fictive située près de Merseburg et Naumburg (ch. 7-10). Malgré sa passion pour la musique, Leverkühn s’inscrit d’abord en théologie à l’Université de Halle (ch. 11-15). En 1905, il change ensuite pour Leipzig où il continue de cultiver son intérêt pour la musique. Il y rencontre la prostituée Esmeralda et attrape la syphilis (ch. 16-22). En 1910, il obtient un doctorat de philosophie et se retire d’abord quelque temps à Munich, puis passe deux ans en Italie. À Palestrina près de Rome, il a une vision et un entretien avec le diable qui lui propose un pacte. Il lui garantit le succès et un accomplissement d’artiste pendant 24 ans en contrepartie d’un renoncement à l’amour (ch. 23-25). À son retour d’Italie en 1912, Leverkühn s’installe à Pfeiffering, un village fictif au sud de Munich, et se met à travailler sur différentes compositions musicales dont une dramatisation de cinq chapitres issus des Gesta Romanorum. Cette suite est conçue comme un opéra de marionnettes. Seuls deux des cinq morceaux sont décrits concrètement par Zeitblom qui évoque la dramatisation dans quatre des 57 chapitres du roman (ch. 1, 30-31, 36). Le chapitre 31 y est très largement consacré. Leverkühn rédige son livret au début de la Première guerre mondiale. Le dernier événement historique qui est cité avant la description de l’opéra est une bataille d’Argonne en 1915.

Zeitblom décrit d’abord le morceau adapté du chapitre 28 des Gesta Romanorum, intitulé De inexecrabili dolo vetularum dans l’éditions latines (Oesterley 1872, p. 325-327) et De l’exécrable fraulde des vieilles dans la traduction française de 1521 (Brunet 1858, p. 78-83). Zeitblom l’appelle Von der gottlosen List der alten Weiber et cite en fait la traduction de Johann Georg Theodor Gräße (1842, p. 54). C’est un récit de la veine des fabliaux. Il relate l’adultère d’une chaste aristocrate romaine qui se fait berner par une vieille entremetteuse et qui finit par coucher avec un jeune homme de peur d’être transformée en chienne. Hermann Oesterley appelle le chapitre Weinendes Hündlein (Le petit chien qui pleure) parce que la vieille fait pleurer son chien avec de la moutarde. D’une longueur d’environ une page, le résumé de ce morceau burlesque par Zeitblom est court et ne contient aucune citation entre guillemets hormis le titre.

Après avoir évoqué l’instrumentalisation de la suite musicale, Zeitblom passe directement au dernier des cinq morceaux, une adaptation de la légende du Bon Pécheur. Selon Zeitblom, c’est le cœur de la suite. Il feint de vouloir épargner à son lecteur tous les détails du récit, mais en donne en réalité un résumé très circonstancié. Il est trois fois plus long que le précédent. Zeitblom évoque presque tous les épisodes traditionnels et les décrit dans l’ordre chronologique hormis la mort du père. Cet épisode est avancé et relié au départ pour la Terre sainte (épisode 8). Après avoir suivi la trame habituelle jusqu’au mariage du Bon Pécheur (épisode 16), Zeitblom interrompt momentanément son résumé et affirme vouloir se limiter aux scènes les plus passionnelles. Il focalise alors sur trois scènes : celle où la sœur annonce sa grossesse à son frère (épisode 4), celle où elle couvre son cadavre de baisers (épisode 8) et celle où elle annonce au protagoniste qu’il est son fils (épisode 18). Sur le plan narratif, la troisième scène passionnelle prolonge en fait le récit au-delà des noces où Zeitblom s’était arrêté. Il peut ainsi reprendre le fil des événements et raconter la suite jusqu’aux retrouvailles à Rome. Le résumé est suivi d’un bref commentaire où Zeitblom cite « le vieux professeur de Lübeck » (des alten Lübecker Professors) qui aurait décrit l’opéra comme « imprégné de l’esprit divin » (gottgeistig). Ce professeur qui n’est pas nommé ici est Wendell Kretzschmar, le mentor de Leverkühn, son ancien professeur devenu chef d’orchestre à Lübeck (chapitre 21).

Au cours du résumé, Zeitblom insère treize citations entre guillemets. Il cite le titre du chapitre des Gesta Romanorum, onze passages dont sept incluant un discours direct et enfin l’avis de Kretzschmar sur l’ensemble de l’opéra. Douze des treize citations reprennent la traduction de Gräße, le plus souvent littéralement, parfois en le tronquant légèrement.

Zeitblom nous apprendra ultérieurement que la suite des cinq morceaux fut représentée en 1921 à Donaueschingen lors d’un festival de musique et qu’elle y remporta un tel succès que l’auteur obtint un financement pour sa publication (chapitre 36). Dans les derniers chapitres du roman, les Gesta Romanorum ne seront plus mentionnés. Leverkühn meurt de syphilis en 1940 et Zeitblom rédige ensuite sa biographie. Les résumés des deux chapitres du recueil médiéval représentent moins de 1 % du volumineux roman. L’édition princeps a 772 pages.

Le succès du roman fut immense et perdure. Sans viser l’exhaustivité, nous avons recensé 48 éditions allemandes dont une version audio, ainsi que 20 traductions dans 15 langues différentes représentant 92 éditions. L’édition allemande de poche publiée en 1994 par le Fischer-Taschenbuch-Verlag représentait les exemplaires 259.000 à 266.999 chez ce seul éditeur. En 1982, le roman suscita même une adaptation cinématographique. Celle-ci fait toutefois l’économie des Gesta Romanorum et du récit du Bon Pécheur. Le résumé de ce récit isolé par Zeitblom a quand même été mis en musique. Il est à l’origine de deux adaptations musicales, le concert The Calling of St. Gregory, composé en 1988 par Peter S. Odegard dans le cadre d’un symposium universitaire en Californie et une composition écrite en 1991 par Frank Michael Beyer pour une émission de RTL plus.

En 1949, Mann décrivit la genèse du roman dans l’autobiographie Die Entstehung des Doktor Faustus. Dans le chapitre 11, il consacre un court passage à la légende du Bon Pécheur (Mann 1975, p. 778-779). Il y annonce son intention d’en faire un « petit roman archaïque » (einen kleinen archaischen Roman). Ce sera L’Élu qu’il publiera deux ans plus tard, cette fois-ci en recourant surtout au Gregorius de Hartmann.