D8 : Von sant Gregorius uff dem stein

Présentation

Édition : Peter Andersen

Description succincte

  • Témoins : 4 éditions
  • Sigles : D8-1 à D8-4
  • Longueur totale des témoins : 16 pages
  • Témoin publié et transcrit : D8-1
  • Longueur du témoin publié : 261 lignes et 1972 mots (D8-1)
  • Référence numérique : lignes de l’édition princeps D8-1
  • Auteur : anonyme
  • Lieu : Bâle
  • Date : 1514
  • Source : D7

Facsimilés

  • D8-1 (Bâle, Adam Petri, 1514 ; Munich BSB, Rar. 2064, fol. 222vb-224ra)
  • D8-2 (Bâle, Adam Petri, 1516 ; Ratisbonne, 999/2Script.1150, fol. 222vb-224ra)
  • D8-3 (Bâle, Adam Petri, 1518 ; Munich BSB, Rar. 2064, fol. 222vb-224ra)
  • D8-4 (Bâle, Adam Petri, 1521 ; Munich BSB, 2 Liturg. 105, fol. 222vb-224ra)

D8-1-222v (1514) Munich BSB (détail)

Von sant Gregorius uff dem stein, D8-1, 1514, fol. 222vb
Munich BSB, Rar. 2064


La huitième version allemande est une adaptation relativement fidèle de la précédente et présente aussi l’histoire du Bon Pécheur comme un exemple d’humilité illustrant le chapitre XIV de l’évangile selon saint Luc pour le 17e dimanche après la Trinité. La fidélité de l’adaptation est telle qu’on peut se demander s’il s’agit d’une simple variante ou d’une nouvelle version. Deux critères parlent en faveur de la seconde option. Premièrement, cette version est en haut-allemand alors que son modèle est en bas-allemand. Ce sont deux dialectes si différents que la transposition s’apparente à une traduction. Deuxièmement, le rédacteur abrège fortement de sorte que le volume du nouveau texte ne représente que les trois quarts de l’ancien. Le rédacteur reformule également la plupart des phrases ayant un équivalent en bas-allemand.

Le texte est conservé dans quatre éditions très similaires, toutes éditées à Bâle par Adam Petri. Il est né vers 1454 dans le village de Langendorf près de Hammelburg en Franconie. Vers 1480, il s’installa à Bâle où son oncle Johannes Petri († 1511) résidait déjà. Celui-ci acquit la citoyenneté bâloise en 1488 et ouvrit bientôt une officine. Il est attesté comme imprimeur à partir de 1496. En 1507, Adam Petri acquit à son tour la citoyenneté bâloise et reprit l’officine de son oncle vers 1509. Cette année-là, il fit paraître le premier ouvrage sous son nom, la Postilla super epistolas et evangelia, un livre de dévotion illustré de gravures d’Urs Graf l’Ancien, un artiste suisse ayant fait sa formation à Zurich († 1528). Durant sa carrière, Adam Petri publia plus de 300 livres, essentiellement des ouvrages religieux, à partir de 1517 surtout des textes de Martin Luther. Il mourut en 1527 à Bâle. L’officine familiale est à l’origine de la maison d’édition Schwabe qui fêta en 1988 son cinquième centenaire.

Dès 1513, Adam Petri avait réédité le volumineux livre de péricopes paru d’abord en 1488 à Lübeck avec l’histoire du Bon Pécheur pour illustrer l’humilité pour le 17e dimanche après la Trinité. Cette édition bâloise est la dixième depuis celle de Lübeck. En dépit du nouveau lieu de publication, elle conserva le dialecte de l’édition princeps, à savoir le bas-allemand. Elle était de toute évidence destinée au marché du Nord de l’Allemagne et mentionne expressément un commanditaire de Magdebourg, Johann Lörr. Cette édition est datée du 7 janvier 1513 (D7-10). Lörr est attesté comme comptable à Magdebourg entre 1490 et 1517 et avait des liens avec Augsbourg et Bâle (Kirchhoff 1885, p. 14, 24 ; idem 1891, p. 350-352).

Le 24 mars 1514, Adam Petri fit paraître une nouvelle version en haut-allemand destinée au public du Sud. Cette rédaction bâloise est anonyme mais il est possible que l’éditeur s’occupât lui-même de ce travail. Dans ce cas, Adam Petri est l’auteur de D8. Comme les précédentes éditions, elle était richement illustrée. Les gravures sont au nombre de 139 dont huit sur deux colonnes, celle du titre qui porte le monogramme d’Urs Graf et sept autres dont deux répétitions. Quatre de ces cinq autres gravures sont signées par Hans Schäufelin, un élève d’Albrecht Dürer qui était surtout actif à Augsbourg à cette époque. Ces quatre gravures représentent la crucifixion, la naissance du Christ, les rois mages et la résurrection. La cinquième montrant la descente du Saint-Esprit est anonyme mais peut également être attribuée à Schäufelin. Le livre d’Adam Petri est également illustrée de 131 gravures plus petites ne dépassant pas la largeur d’une colonne et souvent placées devant les initiales. Plusieurs sont signées par Urs Graf, 14 selon Paul Pietsch (1927, p. 46).

Le livre n’est pas organisé en chapitres bien distincts et se divise en plus de 52 sections puisque d’autres fêtes religieuses s’ajoutent aux 52 dimanches. Les gravures illustrent toujours des scènes bibliques et non pas les exemples. C’est la raison pour laquelle celui du Bon Pécheur n’est pas illustré. Malgré la forte réduction subie lors de la transposition en haut-allemand, cet exemple reste, avec six colonnes, le plus long de tout le volume.

La péricope sur le 17e dimanche après la Trinité s’étend sur 15 colonnes (fol. 220vb-224ra), avec au début une gravure montrant l’entrée de Jésus dans la maison du Pharisien ou plutôt sa rencontre avec lui (fol. 221ra). La gravure est suivie de la traduction du début du chapitre 14 de l’évangile selon saint Luc jusqu’au verset 11 : « Quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé » (fol. 221ra-221rb). Suit sur alors une longue glose (fol. 221rb-222vb). Elle se termine par la répétition du verset 11 illustré d’abord par deux exemples bibliques :

  • Ein yeglicher der ſich erhoͤcht/ der wyrt gedemuͤtigt/ vnd ein ieder der ſich demuͤtiget/ d’ wyrt erhoͤcht. Von diſſen worten haben wir zwey merckliche exempel. Das ein iſt Lucifer/ der ward ernidert/ darumb das ſich ſelbß erhuͦbe/ vn̄ erhebē wolt über gott. Das ander die muͦter chriſti iheſu die iūnckfrauw Maria/ die ward erhoͤcht darumb das ſy ſich demuͦtiget 7c̄.
  • ‘Quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé’. Pour illustrer ces paroles, nous avons deux remarquables exemples. Le premier est Lucifer qui fut abaissé parce qu’il s’éleva et voulut s’élever au-dessus de Dieu. L’autre est la mère de Jésus-Christ, la Vierge Marie qui fut élevée parce qu’elle s’abaissa, etc.

Le troisième exemple est celui du Bon Pécheur (fol. 222vb-224ra). Sylvia Kohushölter (2006, p. 270) a listé les principales divergences de cette version par rapport à celle en bas-allemand dont elle est issue. Selon son analyse, elles sont au nombre de sept : (1) Les pêcheurs ne veulent pas garder l’enfant et ses accessoires ; (2) la mère révèle tout de suite l’inceste et ne commence pas par refuser de coucher avec son fils ; (3) avant les noces, elle ne l’interroge pas sur son origine ; (4) il reconnaît avoir péché et se laisse tout de suite enchaîner au rocher ; (5) dès leur première visite chez le pêcheur, les messagers apprennent qu’il connaît Grégoire ; (6) il n’est pas précisé que les messagers découvrent Grégoire affamé ; (7) Grégoire conduit tout de suite sa mère auprès du pape avant qu’elle ait le temps d’exprimer le souhait de se confesser.

À cette liste s’ajoute la transformation de l’appellation de l’abbaye. Selon la version en bas-allemand, c’est une abbaye de l’ordre de saint Bernard, selon celle en haut-allemand une abbaye de l’ordre de saint Benoît. Dans les deux cas, c’est une abbaye cistercienne mais le changement de désignation est notable. La péricope se termine par quatre courtes prières sans lien direct avec cet exemple (fol. 224ra-224rb).

Adam Petri réédita ce livre en haut-allemand trois fois, en 1516, en 1518 et 1522. Les divergences entre les quatre éditions sont infimes. La pagination est absolument identique et la plupart du temps les changements de page se font au même mot. Le nombre des illustrations est également identique, toujours 139. Il y a toutefois quelques divergences, notamment pour le titre où nous trouvons trois gravures différentes. Seules les deux dernières sont les mêmes.

Le succès du livre fut considérable car les quatre éditions sont représentées par 82 exemplaires répertoriés. Cela fait de cette version la troisième par le nombre des exemplaires conservés, derrière D6 et L4, mais devant D7, la version dont elle est directement issue et qui est représentée par onze éditions différentes. La dernière fut éditée en 1517 par Adam Petri, très souvent avec les mêmes gravures que la version en haut-allemand. Le succès de celle-ci déclina rapidement après le début de la Réforme. Si 27 et 25 exemplaires conservent respectivement les versions de 1514 et 1516, seuls 16 et 14 conservent celles de 1518 et 1522.