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car ils ne voyaient pas en quoi il pouvait leur servir, alors que les 3 autres étaient en bon état, ainsi on s’en appropria. Les gens qui étaient sur le vieux bateau préférèrent mourir que de se porter prisonniers ! Là-dessus on les emmena de force, sauf quelques Maures qui malheureusement coulèrent avec leur bateau[80].

sich es nicht zu Nutz machen wolten worunder aber noch die andren 3 Schiffe gut waren und mitgenommen wurden. Diejenige Leuthe so auf dem alten Schiff waren wolten sich nicht als Gefangnen übergen sondern lieber sterben ! Worauf mann sie aber mit Gewalt davon nahme biß auf etliche Mohren welche leyder mit ihrem Schiffe zu Grund gingen.

Le 20 août, arrivèrent d’Albanie 20 chefs de tribus sauvages, parmi lesquels il y avait un roi ! Ces sauvages étaient envoyés depuis l’Albanie par 4 de leurs tribus pour se renseigner quant à notre arrivée afin de nous proposer leur alliance. Notre général les fit venir à lui par l’intermédiaire d’un interprète natif du Canada qui parlait bien le français et d’un allemand originaire du Palatinat[81], et ces deux interprètes savaient la langue des sauvages aussi bien que leur langue maternelle[82]. Ils adressèrent les paroles suivantes à notre général Ch. Lagagix[83], qui veulent dire : « Oh mon père ! Que devons-nous faire, nous qui sommes bien intentionnés à votre égard dans la présente guerre, nous vous promettons de vous aider dans ce pays : nous voyons d’un mauvais œil que certaines de nos tribus soient du côté des Anglais, mais il est vrai que les Anglais ont du si bon rhum et du si bon ratafia, ils nous donnent aussi de la poudre et du plomb pour pouvoir chasser, et si donc ils ne se sentaient pas aussi bien chez eux pour ces raisons, ils viendraient ici ». Notre général leur répondit que son

Den 20ten August kamen 20 Wilde Oberhäupter aus Albanien, worunder ein König ware ! Diese Wilden waren ausgeschickt von 4 ihrer Zünfften aus Albanyen um sich unsrer Ankunfft zu erkundigen um uns ihren Allians anzutragen : Unser General liese sie vor sich kommen durch Vermittlung eines Dollmätscher welcher aus Canada gebürdig und gut frantzosisch redete nebst auch einem ge-bohrnen Deutschen aus der Pfaltz gebürdig welche 2 doll-matscher die Wilde-Sprache so gut konten als ihre Mutter- Sprache. Folgenter Anspruch an unsern General Chs Lagaqix. daß heißt : O mein Vatter ! was sollen wir thun aus gutem Willen gegen euch in diesem gegenwärdigen Kriege wir versprechen euch allen Beystand zu thun in diesem Lande : wir sehen es auch nicht gerne daß einige von unser Zünfften auf die engellische Seite halten, allein aber die Engellischen haben doch so guten Rhum und so guten Taffia sie geben uns auch Pulfer und Bley auf die Jagd zu gehen, doch aber wären sie nicht gerne bey ihnen dessenthalben kämen sie hierher. Unser General gab ihnen zur Antwort : wie daß sich sein

[réclame]

könig

https://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/btv1b10110846m/f13/pct:50,0,100,100/,700/0/native.jpg

Strasbourg, Médiathèque André Malraux, ms f 15, p. 25.

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 Notes

80. Flohr fait référence à une opération navale conçue pour intercepter des renforts anglais destinés à soutenir Arnold. Elle se déroule en Virginie sous les ordres du capitaine Le Gardeur de Tilly qui est à la tête de trois navires (le vaisseau de ligne l’Eveillée, la frégate La Surveillante et La Gentille). Cette opération aboutit à la capture du Romulus, une frégate de 44 canons et d’une dizaine de transports. Cf. Vicomte de Noailles, Marins et soldats français en Amérique pendant la guerre de l’Indépendance des États-Unis (1778-1783), Paris, Librairie académique Perrin et Cie, Paris, 1903, 2e édition, p. 206 [catalogue de la médiathèque Malraux].
81. 3 000 Palatins étaient arrivés à New York en 1710, et furent envoyés s’installer au contact des Indiens. Laissant derrière eux 400 femmes et enfants, 2 000 d’entre eux, sous la conduite de Johann Conrad Weiser, migrèrent vers Schoharie, où les Indiens les laissèrent s’installer sur des terres. Ils y fondèrent la ville de Rhinebeck-on-the-Hudson et plusieurs villages le long de la rivière Schoharie. Le fils de Conrad Wieser a vécu parmi les Mohawks et a appris leur langage, servant de médiateur, de go-between entre les colons et les Indiens. Mais les Palatins décidèrent, suite à des conflits avec le gouverneur de New York et les propriétaires de leurs terres, de migrer vers la Pennsylvanie en descendant la rivière Susquehanna en 1728. Ces Palatins dont parle Flohr sont habitués à jouer le rôle de médiateurs entre les colons et les Indiens ; ce sont probablement les descendants des migrants qui quittèrent New York pour fonder Tulpehocken en Pennsylvanie. On estime à 50 000 le nombre de Palatins installés dans ce comté de l’intérieur des terres de Pennsylvanie au milieu du XVIIIe siècle. D’après Huebener (Theodor), The Germans in America, Philadelphie& New York, Chilton Company, 1962, p. 25.
82. La réception de cette délégation indienne par Rochambeau est un épisode repris dans les différents journaux laissés par les officiers. Il s’agit d’une délégation envoyée par le gouverneur de la colonie de New York, Schuyler, à Rochambeau. Ils sont chargés par les autorités américaines d’affermir l’alliance entre ces tribus et les États-Unis en prouvant la solidité des liens qui les unissent à la France, à laquelle les Indiens des Six-Nations sont restés attachés après la perte du Canada. L’alliance des tribus indiennes aux frontières constitue un enjeu de taille dans tout conflit en Amérique du Nord. La confédération indienne des Six-Nations, alliée traditionnelle des Anglais, est d’ailleurs écrasée par le Général américain Sullivan en 1779. Selon Evelyn Acomb, l’éditrice du Journal du Baron de Closen, la délégation est composée de 13 membres de la tribu Oneida et de 5 Caughnawagas, venant de la région de Sault-Saint-Louis, qui étaient alliés à la France avant 1763. Ces 19 ou 20 indiens sont accompagnés par deux interprètes dont l’un est Allemand (Flohr l’a apparemment rencontré). Il s’agit certainement d’un dénommé Frey que Closen décrit aussi, originaire de Schwetzingen dans le Palatinat, un « tailleur », ayant vécu avec les Indiens depuis 1758, et qui connaît l’Anglais : cf. Acomb (Evelyn) (éd.), The Revolutionnary Journal of Baron Ludwig von Closen 1780-1783, University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1958, p. 38-39.
83. Le Chef « Lagagix » mentionné par Flohr comme l’interlocuteur entre Rochambeau et la délégation est vraisemblablement le colonel Louis, ou chef Louis hostile aux Anglais, et ayant reçu ce rang sur décision du Congrès. Cf. Gallatin, « with Rochambeau at Newport », Franco-American Review, I 5, 1937, p. 333.