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que ça leur appartient, et déjà ça leur appartient, car personne ne le leur conteste parce que ce n’est à personne[106].

ist es auch, dann es ist niemand der es ihnen abstreiten thut weil es keinen Herren hat.

On ne constate pas non plus de changement dans leur habillement : le dimanche comme les jours de semaine ils sont habillés comme des gentilshommes[107] ; s’ils ont à faire un trajet d’une demi-heure seulement ils se mettent à cheval ou prennent le cabriolet, et les femmes montent à cheval aussi facilement que les hommes. Elles ont aussi l’avantage d’être les plus belles entre toutes, toutes nations étrangères confondues[108]. De plus elles ne sont pas hautaines et parlent à tout le monde, riches ou pauvres. Avant de nous mettre en marche nous avons encore assisté à une exécution le 8 mai : il s’agissait d’un sous-officier d’artillerie qui avait poignardé son capitaine à cause d’une catin ! Sur ordre du roi il eut pour cela la main coupée et fut pendu etc.[109].

Man siehet auch bey ihnen keinen Unterscheid in der Kleidung es sey Sontag oder Wercktag so seyn sie allezeit angezogen wie die Edeldammen ; wann sie nur eine halbe Stund zu gehen haben sitzen sie zu Pferd oder in einer Schäße die Weibsleute seyn so wohl zu Pferde als wie die Mansleute. Auch haben sie den Vorzug in der Schönheit unter allen ausländischen Nationen. Sie seyn auch gar nicht hochmüthig reden mit jedermann er seye reich oder arm. Wir hatten auch vorher als wir uns auf den Marsch begaben noch eine Excution welche den 8ten May verrichtet wurde : mit einem Unterofficier von der Artillerie : welcher seinen Capitaine erstochen einer Hure halben ! Dessentwegen ihm hernach die Hand abgehauen und aufgehänget worden nach königlicher Ordonance etc.

Le 10 juin 1781, nous quittâmes Newport et fûmes embarqués sur de petites embarcations, et à 9 heures nous partîmes de Newport en direction de Providence qui est distante de 30 miles anglais de Newport.

Den 10ten Juny 1781 brachen wir von Newport auf und wurden auf kleine Fahrzeuge eingeschifft und fuhren gegen 9 Uhr von Newport nach Profidans ab welche ware 30 engellische Meillen von Newport.

La ville de Providence se trouve sur un fleuve qui connaît un beau trafic fluvial et qui se jette dans la mer près de Newport. Il y a sur une colline au-dessus de la ville aussi un beau collège. La ville se pare également d’un beau clocher neuf au milieu d’autres plus petits etc. Là nous débarquâmes et montâmes notre camp à gauche de la ville. Nous y laissâmes un détachement ainsi que les malades. Parce que dans le collège était installé un hôpital[110]. Les autres s’en sont retournés à Newport.

Die Stadt Providens ist auch mit einem schönen schiffreichen Flüße versehen welcher sich bey Newport ins Meer giesset. Auch ist ein schönes Colegium alda oberhalb der Stadt auf einem kleinen Hügel stehent. Auch ist die Stadt mit einem schönen neuen Kirchthurm gezieret nebst noch etlichen kleinen etc Wir schifften alda aus und schlugen das Lager lincks an der Stadt. Wir liessen alda noch ein Tetachement zurück nebst den Krancken. Weilen alda ein Spithal errichtet ware in diesem Colegium. Die übrigen fuhren nach Newport zurück.

Ce détachement était sous les ordres du major Monsieur Deprez[111]

Dieses Tachement wurde.pomandirt von Herrn Deprez Major.

https://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/btv1b10110846m/f21/pct:0,0,50,100/,700/0/native.jpg

Strasbourg, Médiathèque André Malraux, ms f 15, p. 40.

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 Notes

106. Quoique l’accession à la propriété soit une cause majeure pour l’émigration en Amérique et qu’il soit plus facile pour les classes inférieures d’obtenir un lopin de terre là qu’en Europe, cette assertion de Flohr est un bel exemple de l’attrait que peut représenter l’émigration, mais aussi et surtout un mythe tenace aux yeux des étrangers. La majorité des terres sur l’île de Newport devait ainsi être occupée, peut-être sans titre de propriété. Mais il n’en reste pas moins que la propriété est un point conflictuel. Elle est plus ou moins inégalement répartie selon les colonies. À la fin du XVIIIe siècle, le front pionner a reculé très loin des côtes, assez variablement selon les colonies il est vrai, mais il exerce toujours une attraction forte sur les migrants, sur les pauvres, mais aussi sur les riches propriétaires fonciers de l’époque. L’accès à la propriété dans l’ouest est cependant sujet à d’importantes limitations, d’abord législatives, l’accès à ces lots étant sous la juridiction des différentes colonies ayant propriété souvent hypothétique des terres. Après la guerre, un grand nombre de vétérans se voient, par exemple, offrir des terres à l’ouest en guise de rémunération pour leur service (et la difficulté à honorer cet engagement prouve bien que l’accès à la propriété est difficile). Les colonies, puis les États, garantissent aussi beaucoup de titres de propriété aux personnalités politiques influentes (comme Washington en Virginie Occidentale). L’installation dans l’ouest est ensuite très dangereuse car elle se fait au détriment des tribus indiennes qui occupent généralement ces territoires.
107. Cf. Anonyme, Paravent de l’Indépendance (détail), huile sur toile, entre 1781 et 1789, Blérancourt, musée franco-américain du château de Blérancourt [reproduction en ligne - RMN].
108. Cf. Nicolaus Hoffmann, Royal Bavière, Nassau, Bouillon, Royal-Deux-Ponts, dessin, fin XVIIIe siècle [reproduction en ligne - RMN].
109. Lorsqu’un soldat était condamné à mort par la justice militaire, il était communément pendu et non fusillé. Si la pratique de la mutilation est plus rare, elle recèle néanmoins un sens symbolique fort puisqu’il s’agit de couper la main homicide.
110. Les hôpitaux militaires peuvent se diviser en deux catégories. D’une part les hôpitaux de campagne, administrant les premiers soins sur le front, d’autre part les hôpitaux de l’arrière, installés dans de vrais bâtiments, et prenant en charge les opérations lourdes et les convalescences. Le corps expéditionnaire de Rochambeau est, à ce titre, le mieux traité de l’Ancien Régime, puisqu’il possède près de 60 officiers de santé pour 6 000 hommes.
111. Le major Deprez est un officier rattaché à l’état-major du régiment. Il est né en 1730 à Cranie. Tröss (Rudlf Karl), Das Regiment Royal-Deux-Ponts, Gesammelte Beiträge zur Geschichte des Regiments, Stadtverwaltung Zweibrücken im Juli 1983, p. 69.